Le meilleur des eaux vives

Publié le par club rando

Une petite rivière descend du plateau du Mantois vers la Seine. Elle prend sa source à 120 m d'altitude, aux confins du département des Yvelines puis arrose les communes de  SepteuilRosayVilletteVertAuffreville-Brasseuil et Mantes où elle se jette dans le fleuve à 17 mètres d'altitude après avoir traversé une zone industrielle qui porte son patronyme. Avant l’embouchure et sa laideur urbaine, la Vaucouleurs, c’est son nom, coule dans une vallée surmontée de prés et de forêts qui la parent. Tous les jours, un flot de voitures la longe sans vraiment la voir. Il faut qu’on la suive à pied dans l’autre sens pour se rendre compte d’un charme qu’on ne soupçonnait pas. On sait cependant que son cours alimentait de nombreux moulins qui ont pour la plupart disparu à la fin du XIXe siècle. De cet âge d’or des meuniers, il reste encore de beaux restes, le plus souvent reconvertis en charmantes et atypiques maisons secondaires.

Le meilleur des eaux vives

Breuil-Bois-Robert, le nom sonne beau, comme tant d’autres qu’on déniche au hasard de pérégrinations campagnardes et qui donnent envie d’en savoir plus : c’est important l’emballage. Posé au-dessus de la vallée de la Vaucouleurs, ce bourg s’étire en longueur et présente un filet de maisons entre lesquelles s’intercalent des aperçus de la nature voisine. Mais c’est avant tout un lieu perché. Ce que les voitures ont sans doute oublié, pas les piétons, du moins ceux qui ont dû tester le raidillon forestier qui monte de la vallée. Comme partout en Ile-de-France, cette modeste hauteur taillée à la mesure de l’homme n’existe que pour révéler la vision du chemin parcouru ou, mieux, de celui qui reste à faire.

Le meilleur des eaux vives

Dans le coin faussement ingénu où s’est posée la salle polyvalente du village, se discernent la vue sur le large et le sentier boueux qui descend retrouver la rivière. Constante et bonne fille, la Vaucouleurs attend patiemment qu’on vienne la courtiser en contrebas.

Le meilleur des eaux vives

Entre la marche et les 19 présents, c’est une longue amitié qui dure. Par consentement mutuel, ils se sont juré fidélité et se fréquentent beaucoup. Mais les courses dans le quartier, la balade dans le parc ou tout autre type de déambulation urbaine ne sont que de futiles approches. Il n’est qu’une seule et vraie rencontre qui compte : celle de la rando du vendredi. Pour ce rendez-vous, ce sont plus de cinq heures qu’ils vont passer ensemble dans une communauté volontairement réduite aux acquêts. Pendant cette journée de gala, il est bon que le quotidien s’efface pour que la marche prenne consistance et devienne plaisir. Des lieux ignorés à deux pas de chez soi ou une vallée secrète à la sortie de l’autoroute suffiront à assouvir l’appétit d’espace. Souvent, c’est la simplicité qui fait l’évidence.

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Dans ce matin de mi-mars, l’air est encore bien frais mais un soleil inattendu a effacé la brume de la rivière. Il fait déjà son effet sur les coteaux adjacents qui brillent d’un éclat singulier. A l’entrée de Villette, le passage d’un agriculteur partant retrouver ses labours dénote que les lieux assument leur identité rurale. Ce village se révèle dans le calme d’une fin de matinée, sans grand monde, sans grand bruit. Seul un chat noir, le poil soyeux et bien lustré, observe les promeneurs avec un détachement impassible. On devine que son assiette est bonne et qu’il n’est pas du genre à confondre les boulettes de sa maîtresse avec de vulgaires croquettes. Il ronronne juste pour qu’on le remarque. On comprend facilement qu’il a une haute opinion de lui-même.

Le meilleur des eaux vives

Le cèdre immense après l’église est-il là pour faire la circulation ?  En tous cas, il déploie ses branches bleues comme pour indiquer la colline d’en face. C’est bien la direction à prendre, en abandonnant le fil de la Vaucouleurs et gagner ainsi l’autre coteau. Un camaïeu nuancé de verts s’y étage en strates horizontales. Une bande brune de terres fraîchement retournées capte le regard sur la droite tandis que le ciel et des nuages en rouleau déroulent au-dessus des têtes un mélange de bleu et de gris nacré. Reclus dans un enclos boueux, un troupeau de génisses à la robe bouclée lance des regards désapprobateurs à ces empêcheurs de brouter en paix. Craignant tout ce qui sort de l’ordinaire, les paisibles ruminants n’apprécient guère les teintes vives des anoraks qui violentent leur perception visuelle.

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La vie des hommes, elle, s’est établie plus bas au village de Vert, posé à la commissure des coteaux. Plutôt qu’aborder franchement la localité, le parcours la contourne en traversant un petit gué. Pas de passerelle pour franchir l’obstacle, seulement quelques pierres branlantes. Par l’apport d’une main secourable, un marcheur manifeste sa prévenance envers ses compagnes. Considérant ce geste comme un témoignage de savoir-vivre, personne n’aurait l’idée d’y voir une subtile tentative de séduction.

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La raideur de la pente qui suit oblige à trouver le bon braquet, à ne pas trop faire le malin. Martine, en bonne montagnarde, sait comment placer sa respiration pour répondre à une telle brutalité. A l’inspiration, toute la pureté de la campagne pénètre dans ses bronches, à l’expiration, elle rejette les résidus de torpeur qui l’encombraient.

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Au bourg d’Auffreville, les marcheurs retrouvent la Vaucouleurs qui ne s’aperçoit que par intervalles, un peu comme si elle cherchait à préserver l’intimité de sa divagation. Sa largeur excède rarement les cinq mètres.

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En l’absence de remous, un courant faiblard s'écoule au-dessus d'un fond d'herbes propices à la promenade de chabots et autres truites farios. La lumière étincelle en ce début d’après-midi. Ce ne sont pas les saules enserrés sur le bord d’en face qui diront le contraire. Eclairée d’un contre-jour précieux, la rivière consent que l’on puisse s’approcher de sa rive. C’est ici qu’elle révèle le meilleur de ses eaux vives.

Le meilleur des eaux vives

L’aire de jeux de Breuil-Bois-Robert propose une vue imprenable sur l'œuvre. Il y a six ans, le graffeur « Stom500 », spécialiste du street-art, a décoré la façade de l’école. Cette pratique urbaine reste atypique en milieu rural, un moyen d'amener l'art en dehors des friches industrielles et des villes. La fresque stylise un hibou, symbole de la connaissance, qui porte sur son dos de petites hirondelles représentant les élèves. Au-dessus d'eux s'élève un livre, qui fait le lien avec la bibliothèque attenante. La graphie est curieuse, certains l’apprécient, d’autres beaucoup moins. Dans mille ans, quand des archéologues découvriront cette œuvre ou ce qu’il en restera, ils auront sans doute du mal à la comprendre. Ils se diront peut être qu’elle était simplement une image qui ne servait à rien, si ce n’est qu’à la regarder, juste pour y passer du temps.

Le meilleur des eaux vives

Le Parcours

Vendredi 14 mars 2025

La salle polyvalente de Breuil-Bois-Robert(78930), les Marais, le Moulin de Chavannes, Villette, la Couture, le chemin de crête du bois des Rochers, la D170, Vert, le Haut de Vert, le Vide Bouteille, le GR11, les Vaux Sanours, Auffreville, la montée forestière de Breuil, Breuil-Bois-Robert.

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