L'île mystérieuse

Publié le par club rando

Depuis la veille, son apparition n’a cessé de le troubler. Entrevue de la jetée d’Honfleur, la vision de cette masse flottante au lointain est devenue maintenant certitude. Des coteaux de Pennedepie qui surplombent l’estuaire de la Seine, Christian scrute attentivement cette île mystérieuse qui scintille au milieu de la baie. Il a beau se frotter les yeux, la forme demeure et l’intrigue persiste. Il ne retenait de sa mémoire du site qu’une immensité aqueuse, vierge de toute présence, où s’affrontent seulement le fleuve qui s’échappe et la mer qui contraint.

L'île mystérieuse

C’est un peu plus bas, sur la grève, que le mystère a pu se lever grâce aux confidences d’un pêcheur à pied venu reprendre ses filets. L’île aux oiseaux n’existe que depuis une dizaine d’années. Elle n'est issue, ni de forces telluriques occultes ni de la dérive des continents, mais simplement de la volonté des hommes. La construction du nouveau port du Havre a fait disparaître de nombreux reposoirs pour l’avifaune. On a donc décidé d’ériger en compensation un îlot en plein estuaire, accroché sur les hauts fonds existants du Ratier. Cet ouvrage artificiel, en forme de haricot, a nécessité l’apport de tonnes de sable et de rochers pour donner vie à un espace de cinq hectares à marée basse. L’accès y est interdit à tous ceux qui ne montrent pas patte de goélands ou de cormorans, hôtes exclusifs de ce nouveau paradis insulaire.

L'île mystérieuse

A tout juste deux heures de Paris, Honfleur permet de changer d’air ou du moins d’y respirer celui venu du large. Ce jeudi 20 avril, un vent frais et vivifiant accentue cette conviction qui réjouit la trentaine de randonneurs venus partager ce week-end anticipé. La cité qui se réclame fille de corsaires est avant tout la ville d’un passé tourné vers la mer. L’option la plus légitime sera de la découvrir en balade.

L'île mystérieuse

Le plus simple commence par l’escalade du coteau dénommé Côte de Grâce, terminaison du plateau d’Auge qui tombe abruptement sur la mer. Un belvédère sommital récompense l’effort fourni en offrant un point de vue magnifique sur l’agglomération et le pont de Tancarville. Nichée dans un écrin de verdure, Honfleur est toute en dénivelés. On distingue des ruelles tortueuses, les quartiers regroupés autour de ses trois églises et les girouettes en fer qui, du faîte des maisons à colombages, tutoient le ciel. L’antique chapelle Notre-Dame de Grâce rappelle la ferveur des marins pour la Vierge. Honfleur a toujours été une importante place de pêche où les bateaux partaient pour la plie et les crevettes de la Manche mais aussi pour l’Islande lointaine et sa morue. Mais l’économie de la mer n’est plus que marginale car le tourisme et le résidentiel ont pris le relais. La descente vers le Jardin des Illustres ouvre la perspective vers l’océan et la ville du Havre.

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Au gré d’une promenade sur la jetée, ce jardin rend hommage aux nombreuses personnalités natives ou liées à l’histoire de la cité. Difficile de les citer toutes. De ces visages, Brigitte M. n’a retenu que celui de la poétesse Lucie Delarue-Mardrus. Elle ne l’a jamais oubliée, tant son œuvre a bercé sa scolarité et accompagné son adolescence. Elle retrouve le plaisir d’égrener doucement la sonorité de quelques vers inspirés par la ville natale de l’auteure. «Je porte au fond de moi l’estuaire complexe, son eau douce mêlée à tant de sel amer»

Sous le soleil radieux, les touristes sont déjà nombreux à flâner sur les quais du Vieux Bassin et des ruelles qui ceinturent la place Sainte-Catherine. Ces lieux regorgent de restaurants, cafés et boutiques de souvenirs installés dans des maisons aux façades recouvertes d’ardoise. Sous la cacophonie des mouettes, les photographes mitraillent les voiliers sagement alignés. La clarté inespérée de cette fin de journée donne de la nonchalance aux mouvements de la foule qui s’abandonne au franc soleil. On envisage son maintien pour la journée à venir. Malgré l’air vif, les bocks de bière fraîche trônent sur les terrasses des bistrots. Les serveurs sont affables et souhaitent de bien finir l’après-midi. Chacun n’aspire qu’à suivre cette aimable exhortation.

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On a du mal à la définir, c’est sans doute une espèce de bergeronnette, mais ses trilles matinales, vigoureuses et répétées annoncent la splendeur du jour. Dès la sortie de l’hôtel, perdu aux creux d’un vallon de Pennedepie, on ne pouvait espérer mieux de la seconde journée. La Côte Fleurie sous le soleil, c’est la meilleure image de ce que l’on attend de la Normandie : des petits villages allongés sur un cap dominant les flots, des grèves ourlées de longues plages, des campagnes coquettes piquetées du blanc des pommiers en fleurs, des vaches broutant les prairies aux plus jolies nuances de vert.

L'île mystérieuse

Protégée par ses deux remparts naturels que sont la mer et la rupture de pente, la Côte Fleurie ajoute au lyrisme de son nom le meilleur du paysage normand. Le circuit va traverser la partie orientale de cette région en taillant un itinéraire en forme de croix de Saint André. Des sentes cavalières qui dévalent vers les ruisseaux succèdent à de petites routes goudronnées desservant un habitat résidentiel disséminé et soigné. Chaque propriété, qu’elle soit récente ou ancienne, respecte une parfaite harmonie entre l’extérieur et le bâti.

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Les prairies ont pris leurs belles couleurs de printemps. Jugulées encore par le froid de l’hiver, elles gardent leurs teintes les plus fraîches. En traversant le village de Barneville on s’interroge sur quelques maisons rénovées, parfois avec un peu trop d’application. Il faudra attendre quelques décennies de vent et de pluie pour que le temps leur redonne une patine plus locale. Dans le montée du bois du Breuil, chênes et hêtres sont tellement hauts et élancés qu’ils semblent protéger l’autre côté du versant. Ils ne baissent la garde que dans de petites clairières où la lumière s’éclabousse entre deux futaies. La sente de Montessard réserve sa traîtrise. Le chemin s’est transformé en ligne de ruissellement des eaux. Une boue épaisse encadre un sillon central qui s’enfonce sous le poids du passage. On ne doit son salut qu’en grimpant, lorsque cela s’avère faisable, sur le haut côté dans l’espoir d’un terrain plus ferme. Mais rien ne résiste à des marcheurs aguerris.

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Sur la grève qui conduit vers la pointe de Criquebeuf, la marée descendante a libéré de vastes espaces. Quelques goélands viennent y chercher pitance. Un peu plus loin brille la mer qui incite à la suivre. La frange entre sable sec et mouillé attend sans impatience la vague à venir. L’après-midi qui débute allonge les ombres. Face au groupe, s’étale l’île mystérieuse aux oiseaux. Elle aimante encore tous les regards. Très basse, elle ne s’embarrasse ni de tours ni de guets puisqu' elle ne redoute l’ennemi. Dans son immobilité forcée, elle n’a d’autre rôle que de regarder paisiblement les rares chalutiers qui la saluent en regagnant le port.

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Jeudi 20 avril : Place Ste-Catherine à Honfleur(14600), montée de la Côte de Grâce, la chapelle, la Carrière de Grâce, rue A.Marais, la plage du Butin, le Jardin des Personnalités, la jetée de l’ouest, le Vieux Bassin
Vendredi 21 avril : Hôtel le Romantica chemin du Petit Paris Pénnedepie (14600), les 4 Nations, le Marmion, le Montessard, lieu-halan, lieu-rebut, Barneville-la-Bertran, le bois du Breuil, église de Pénnedepie, la Sergenterie, la sente vers Montessard le chemin de la Mer, la grève de Criquebeuf, la route de la Mer, église de Criquebeuf, le chemin de la Forge, retour à l’hôtel par le chemin de la Maladrerie.

Le Parcours

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