Chez le duc d'Aumale

Publié le par club rando

Le domaine de Chantilly, son château aux collections inestimables, son parc imposant, ses écuries et ses clins d’œil incessants à l’Histoire. Ce 7 décembre, les 27 randonneurs ont pris un rendez-vous princier. Pour leur dernier déplacement de l’année, ils ont souhaité faire un baisemain à la crème de l’aristocratie princière : les Montmorency, les Condé et les Orléans. Difficile de trouver plus haute naissance que ces lignées de sang bleu dont les représentants eurent la bonne fortune de prendre plus de hauteur dans les fastes du pouvoir que la tête au bout d’une pique.

Chez le duc d'Aumale
Chez le duc d'Aumale

Avant de sculpter sa silhouette actuelle, Chantilly fut une forteresse qui contrôlait la route menant de Paris à Senlis. Quand il en hérite au XVIe siècle, Anne de Montmorency, connétable de François Ier, entreprend des travaux pour la transformer en château de la Renaissance. Au siècle suivant, les Bourbon-Condé l’embellissent en faisant appel à André le Nôtre pour en dessiner les jardins. Le Grand Condé y donne d'impressionnantes réceptions avec l’aide de son cuisinier François Vatel. Ses successeurs bâtissent les Grandes Ecuries qui abritent de nos jours le Musée du Cheval. 

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Très endommagé à la Révolution, le château retrouve sa splendeur sous l'impulsion du fils de Louis-Philippe, Henri d’Orléans, duc d’Aumale. Ce dernier le remodèle en mélangeant différents styles et décide d’en faire l’écrin de ses nombreuses collections de peintures, sculptures et livres anciens acquises au long de son existence. Mort sans héritier, le duc d’Aumale lègue en 1886 le domaine et ses trésors à l'Institut de France. Cet héritage est assorti d'une série d'impératifs qui règlent de manière précise et immuable l'administration de Chantilly : interdit de vendre ou de prêter la moindre pièce et même de déplacer un tableau, pas un seul élément ne doit manquer ni être bougé. Malgré la grisaille de décembre, le château et les écuries du domaine de Chantilly s’élèvent fièrement en plein cœur du domaine.

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Mais l’endroit sent la morte-saison, la vie s’y est installée dans un demi-sommeil. Pas un chat dans les vastes prairies du parc, juste une aigrette qui déploie mollement ses ailes. Les jardins abritent des chênes colossaux et des ifs très anciens en forme de pyramide. L’ensemble développe une surface de 115 hectares. Autant dire que pour en faire le tour, il faut du temps et de bonnes jambes. On n’ira pas trop loin à cause d’un froid devenu piquant. Le début de l’après-midi jette sur les marches qui remontent vers le parterre castral une lumière grise, celle qui précède les premiers frimas.

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Rien n’est plus grisant que de s’introduire dans l’intimité de lieux illustres. La grande majorité des  marcheurs n’a qu’une connaissance un peu diffuse de ce qu’elle s’apprête à découvrir. Elle peut se permettre d’ignorer son ignorance, une guide affectée à la visite va combler les manques. Son sourire est aussi convaincant que ses explications. La jeune femme sait prendre cet air de comédien que se plaisent à adopter les bons orateurs pour tenir leur auditoire en haleine, manière habile de calibrer les effets.

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Sa conduite ouvre les portes de l’immense salle à manger de réception, de la bibliothèque, du cabinet des Antiques et se termine par l’aile primitive du XVIIe siècle. On comprend vite que la vie châtelaine était rythmée par la chasse et les chevaux, les réceptions mondaines mais aussi adossée à l’art et aux sciences ainsi qu’aux conversations brillantes. L’immense Galerie de Peinture conçue par le duc d’Aumale apparaît comme la pièce maîtresse. Des toiles de Raphaël, Poussin, Philippe de Champaigne, Delacroix ou encore Corot et Ingres y sont présentées cadre à cadre sur des murs d'un rouge vermillon.

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L’ampleur de la collection propose un voyage au sein de plusieurs époques. L’héritage du duc est intact, il continue d’impressionner ceux qui le contemplent. La couleur vive de la salle donne à l’ensemble un aspect particulier qui évoque le feu ou le sang et pourtant on ressent de la grâce dans cette mise en scène. On se rend compte très vite que tout le château rappelle le duc d’Aumale. Il y est sans cesse représenté, sous toutes les formes et à tous les âges de sa vie. Mais malgré sa stricte consigne, persiste éternellement la seule pièce manquante : sa présence.

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D’ordinaire quand le temps n’étrille pas trop les voyageurs, beaucoup de sentiers accueillent les promeneurs dans la forêt d’Halatte. Etendue sur 4000 hectares, elle sépare les agglomérations de Pont-Sainte-Maxence et de Senlis. Ce vendredi matin, la dépression de la nuit précédente a eu la bonne idée de partir déverser à l’est le solde de ses volumes. L’horizon démaillote encore quelques traînées de brumes matinales. Par un chemin siliceux, les marcheurs escaladent la butte d’Aumont où la densité du bois interdit la moindre vue panoramique.

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On ressent une impression un peu sourde, comme si la forêt s’habillait d’anciens secrets. Un récit prétend qu’à deux pas d’ici, Philippe le Bel serait tombé de cheval lors d’une chasse. Relevé avec une fracture de la jambe, il mourut un mois plus tard emporté par la gangrène. Ainsi commence les effets de la malédiction portée par le grand maitre des Templiers envers ses bourreaux, le Pape et le roi de France : « Maudits, soyez maudits,  jusqu'à la treizième génération ! »  Il peut être prudent de rejoindre le bourg d’Aumont-en-Halatte pour retrouver plus de quiétude. En descendant de la butte, certains prennent bien soin d’éviter toute chute.

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On ne peut ignorer Senlis. Tout y renvoie au calme d’une cité provinciale ayant miraculeusement échappé aux catastrophes modernistes qui en ont abimé tant d’autres. Dès les premiers pas, on s’attend presque à croiser une calèche escortée de mousquetaires tellement l’ambiance extérieure rappelle un décor de film de cape et d’épée. Et pour cause, la cité est restée telle qu'elle était aux XVIe et XVIIe siècles, une enfilade de rues étroites et pavées qui serpentent entre les remparts gallo-romains et la cathédrale gothique. Le cœur historique a été non seulement préservé des bombardements durant les deux conflits mondiaux mais aussi du bitume. Les pavés d’origine sont toujours bien en place. Il fut décidé en 1965 de créer un secteur sauvegardé de 42 hectares couvrant toute la partie à l'intérieur des remparts. Restait à convaincre la population elle-même des beautés cachées de Senlis. Par des règlements rigoureux, le plan Malraux contribua à sa conservation en interdisant toute destruction de bâtis anciens.

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En ce début d’après-midi, les camions du marché matinal partis et les étals repliés, cette ville ronde s’offre à la balade. Au fil de la visite, chacun peut apprécier ses voies désertes où s’abritent des hôtels particuliers enchâssés les uns aux autres. La cathédrale Notre-Dame dispose d’une double entrée. La première ouvre sur la grande place malheureusement encombrée de nombreuses voitures. La seconde, plus subtile, s’atteint par une enfilade de petits recoins et de ruelles bordées de belles maisons anciennes mais sans cachet remarquable. Leurs façades bien entretenues suffisent amplement à donner au quartier un air distingué

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La partie basse du centre-ville se dévoue tout entière au commerce. Si à l’extérieur le bleu indigo des soirées de décembre s'installe, la lumière embrase l’intérieur des  boutiques. L’incitation à fêter Noël fait déjà partie du décor. On n’entrera pas chez ce chocolatier dont la vitrine somptueuse mêle le vert amande et le brun cacao ni chez ce caviste à la devanture rubis Pomerol. Restés dehors, dans cette ville oubliée par le temps, on se contentera de contempler les images de la vie qui perdure.

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Le Séjour

Vendredi 7 décembre : Visite du domaine de Chantilly(60500), les écuries, le Musée du Cheval, le parc, le château, diner et nuitée à l’hôtel Ibis de Senlis.

Jeudi 8 décembre : Circuit de la butte d’Aumont à Aumont-en-Halatte(60300), transfert et visite de la vieille ville de Senlis.

 

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