201402 L'appel du pied

Publié le par club rando

Le pied a tenu de tout temps une place privilégiée dans les expressions les plus populaires. Certaines comme Avoir les pieds sur terre, Avoir bon pied, bon œil ou même Cela lui fera les pieds peuvent au sens littéral s’appliquer à la pratique de la randonnée. Mais intéressons-nous plutôt, dans cette chronique d’aujourd’hui, à une autre expression : Faire un appel du pied

Eliminons tout d’abord toute confusion avec sa locution diamétralement inversée, le pied d’appel, celui qui permet au marcheur de prendre appui pour le franchissement d’un obstacle.

Le but de l’appel du pied, comme pour tout appel, est d’attirer l’attention. Quelquefois, le faire sous la table, est une interprétation bien particulière qui conduit généralement son auteur à passer à d’autres plaisirs que ceux du repas. Oublions-la aussi !

taverny 1En réalité, l’expression s’entend plutôt dans son sens figuré. L’appel du pied cache en fait une invite discrète ou une proposition allusive à rejoindre ou à se rallier.

Par exemple, lorsqu’un groupe constate qu’il entretient un attachement à des pratiques et qu’il génère des cellules qui ne se repoussent pas, il peut avoir alors forte envie à faire partager cette belle horizontalité d’usage et mœurs.

Est-ce vraiment pour cette raison que quatre nouvelles têtes renforcent le groupe attendu ce matin par Joëlle à l’orée de la forêt de Taverny (95) ?  

Premièrement, c’est très flatteur  de le croire, ensuite, elles étaient les bienvenues !

taverny 2Joëlle paraît un peu dépitée. Le ciel est bien chiffonné et les nuages bas et gris se sont encore resserrés et déversent des gouttelettes de pluie, juste avant de commencer la marche. Pas vraiment une méchante averse mais une humidité qui brumise l’air et les cœurs et qui renfonce la capuche des parkas. Par contre, on a beau être le 14 février, la douceur reste anormalement clémente.

taverny 3

L’église Notre Dame de Taverny qui domine le vieux village est largement éclairée par de  grandes verrières flamboyantes et très élaborées. Fabien est saisi par l’intensité des rouges chauds et fulgurants qui irradient dans la pénombre de l’allée centrale. Sur les vitraux qui lui font face, les saints en mystère lui sourient et lui accordent leur miséricorde rédemptrice.

taverny 4La forêt bougonne. Elle n’est pas très fière d’elle ce matin et n’apprécie pas que les récentes intempéries la mettent si peu en valeur. Les flaques boueuses envahissent les chemins et menacent de capturer les chaussures qui résistent. Le moindre petit fossé devient ru. Soit on le saute dans un élan pataud, soit on le traverse sur un rondin qui ne demande insidieusement qu’à faire glisser l’imprudent qui l’emprunte.

taverny 5Alors on se réfugie vite sur les grands axes qui se coupent souvent dans des carrefours  matérialisés par des croix en pierre. Il y a toujours des croix en forêt. Elles n’indiquent généralement pas une localisation évidente. Leur  présence réconforte plutôt le promeneur. Elles lui promettent le ciel, caché par les hautes futaies qui le rendent souvent invisible.

taverny 6

Il ne pleut plus. C’est le moment de quitter la forêt car le circuit proposé alterne entre le bois et les anciennes sentes. Elles constituent un réseau de voies plus ou moins entretenues qui relient différentes parties de la commune. Ces sentes permettaient aux paysans et  journaliers de rallier leurs lopins éparpillés sans traverser le terroir des voisins.

taverny 7Jusqu’à la Révolution, Taverny était un village de laboureurs et vignerons. Certains toponymes désignent encore les lieux où l’on cultivait la vigne. Depuis une dizaine d’années, la municipalité a reconstitué une parcelle de quelques centaines de pieds.

Dans l’entrelacs des venelles, le groupe des  29 participants se disperse, se délite, s’éparpille. Joëlle reste vigilante. Elle attend, elle scrute du regard, elle compte et recompte. Sans se départir de son apparence policée, elle arrive à ranimer l’énergie des retardataires et à ramener les égarés. Sous sa houlette, personne ne rate l’adresse du déjeuner final.

taverny 8

Pour conclure et rester dans l’important domaine lexical consacré au pied, comment ne pas évoquer la belle expression idiomatique : Ecrire comme un pied. Elle amuse particulièrement l’auteur de ces lignes, marcheur patenté, et qui se pique aussi de succomber quelquefois à la tyrannie prétentieuse du verbe. Le billettiste, Alain Rémond, rappelait récemment cette anecdote concernant deux écrivains jaloux de leur prose respective. L’un deux, voyant l’autre soutenant un pied emmailloté dans un  gros bandage, lui décocha alors une flèche acérée : Votre pied est souffrant ! Mais, comment allez-vous écrire maintenant ?

taverny 9Que doit-on opposer à une telle perfidie ?  Peut-être, qu’une telle remarque ne fera qu’une belle jambe à celui qui la reçoit ou bien que les écrits du contradicteur n’arrivent même pas à la cheville de leur destinataire !

 Le Parcours

Place Jean XXIII Taverny, Allée des sapins, Foret de Montmorency, GR1, Sentes de Taverny, Centre de Taverny

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Nous admirons le courage, que nous n'avons pas eu, de ces valeureux randonneurs qui ont affronté la pluie, le vent et la boue ... pour le seul plaisir de marcher, sous la houlette de Joëlle il est<br /> vrai !<br /> JLM
Répondre