201301 Laissons la neige aux romantiques*

Publié le par club rando

Il a neigé en tout début de semaine. Il en reste des traces sur les trottoirs et surtout dans les parcs et jardins. Au départ de Sèvres (92310), dans la montée du Parc de Brimborion, la crainte de glisser contraint les vingt-trois participants à avancer à petits pas, avec lenteur empruntée mais vigilante. Entendre le son de ses pas fractionner la légère couche de glace est un plaisir rare près de Paris. Mais ce restant de virginité ne sera qu’éphémère. Au moindre radoucissement, en perdant sa cohésion, la neige se transformera vite en gadoue sale et boueuse qui s’évanouira dans le sol ou les caniveaux. Toutes ces frigides menaces disparues, les parcs et jardins rouvriront leurs grilles, les chemins seront à nouveau accessibles. Le champ de tous les possibles sera enfin rendu aux randonneurs.

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En ce matin du vingt-cinq janvier, sur la terrasse de Meudon, le regroupement collectif demandé pour réaliser la photo de groupe n’est pas qu’un exercice physique. Il a resserré  aussi psychiquement les participants. A ce moment, tous espèrent revoir le soleil. Il a fait une timide apparition, juste à 10 heures 12 précises, pour faire croire qu’il allait affirmer sa présence. Qu’il allait offrir un peu de lumière, voire un coin de ciel bleu pour nous inviter à ne pas désespérer du jour. Espoir vite déçu, dès 10 heures 17, il nous abandonne déjà en laissant le froid faire remonter hermétiquement la fermeture de nos anoraks.

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Sur les hauteurs de Meudon, à la fin du 19ème, les côteaux ont vu fleurir de belles demeures bourgeoises pour de riches familles parisiennes attirées par la vue et l’espace. Elles sont toujours bien présentes et découvrent plus facilement leur intimité lorsqu’on les aborde par la série de petites sentes qui doublent la Côte des Gardes. Cette voie était le passage emprunté par l’armée de Louis XIV pour rejoindre Versailles à Paris. La famille royale, suivait, elle, le cours du rû de Marivel, enfoui maintenant sous la nationale de Sèvres à Viroflay.

La succession des sentes piétonnes nous dégringolent vers la plaine, aux confins de Meudon et d’Issy. Autrefois ce coin abritait des guinguettes, des charbonniers et des verriers. Il est resté toujours populaire et la fracture entre le bas et le haut reste visible.

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Avant d’atteindre le fleuve, nous croisons la ligne du tramway T2 qui relie le sud de Paris au pont de Bezons par la Défense. C’est un trajet qui s’effectue à l’air libre, souvent près de la rive, des bois, et d’un environnement favorisé. Bien qu’elle soit surtout empruntée pour des motivations professionnelles, la ligne a un petit côté touristique. Beaucoup de ses usagers l’apprécient parce qu’elle les délivre des oppressions souterraines du métro et du Rer.  Certains, dit-on, l’ont même baptisée "la ligne du  tramway nommé plaisir"

meudon 4Au pont de Billancourt, la Seine semble s’ouvrir en deux pour enlacer l’Ile Saint Germain. Nous l’abordons par le petit bras, plus paresseux et plus lent. Il sert de parking à une foule bigarrée de péniches dépareillées, vieillissantes, cocasses et riches en couleurs.

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La partie amont de l’île a été récemment convertie en parc de dix-huit hectares. Ses larges allées pavées compartimentent un quadrillage de petits jardins à thèmes et de grands carrés laissés à la colonisation d’une flore naturelle et spontanée. Vers le fond, une immense pelouse est abandonnée aux ébats des petits et des grands. Aujourd’hui elle est indécemment réquisitionnée par un grand barnum blanc sous lequel s'affrontent bruyamment dans le cadre de "La Nouvelle Star", les vedettes éphémères de demain.
 

meudon 7La partie aval de l'île est, quant à elle, entièrement urbanisée mais surtout lotie de pavillons modernes et de maisons récentes d’artistes ou d’architectes. Toutes ces jolies petites constructions se remarquent par une grande sobriété de lignes épurées ou par des conceptions novatrices. Un grand bâtiment, qui rappelle le pont d’un paquebot, détonne. Œuvre de l’architecte Jean Nouvel, construit en verre et métal, il est déjà piqueté de taches de rouille. Ce qui n’augure rien de bon pour sa survie future. L’innovation doit-elle toujours être sophistiquée ?

Le cours du fleuve nous incite à suivre le sens du courant et retourner sur nos pas. Nous nous trouvons au cœur de la zone d’aménagement dite "Vallée Rive Gauche", entre les ponts d'Issy et de Sèvres.

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La transformation de l’espace prévoit un élargissement de la voie routière, bordée par une promenade végétalisée dévolue à la circulation piétonne. On reste un peu surpris pour sa prochaine concrétisation. D’abord par l’étroitesse de la bande aménageable possible et ensuite parce que subsistent encore des îlots d’habitation qui ne peuvent être détruits. Pour le moment le sentier de halage suit autant qu’il peut les rives de la Seine mais reste coincé entre les travaux, les péniches et la voie du tramway qui doit frayer aussi son chemin dans ce goulet. Quelques cygnes blancs nous accompagnent tout en se laissant dériver par le courant.

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A la hauteur de la passerelle bleue métallique qui conduit à l’Ile Seguin, seul ne se remarque que le grand chapiteau blanc d’un cirque. Il s’est installé sur les décombres des anciennes usines Renault pour donner un peu de vie. Le réaménagement de l’île est toujours en instance. Des nombreux projets, sans cesse renouvelés, aucun jusqu’à présent n’a su attirer les faveurs des investisseurs. Abandonnée depuis vingt ans, 'l’Ile Seguin désespère Billancourt"

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Juste après le pont de Sèvres, l’Ile Monsieur a eu plus de réussite. Cette ancienne île maintenant raccordée à la rive, a été reconvertie depuis peu en pôle de loisirs, parc nautique, et liaison verte la reliant au Parc de Saint Cloud. Le village nautique est aujourd’hui bien désert et ses voiliers, sans doute, partis sous d’autres cieux.

Quelques flocons imprévus virevoltent dans l’air glacé. Annoncent-ils le retour de la neige, la permanence désespérante de l’hiver ?

Avisée et bonne psychologue, Martine adopte l’attitude qu’il convient pour ne pas nous abandonner à la nostalgie. Elle nous prie de la suivre instamment jusqu’au centre de Sèvres.

"Dépêchez-vous s’il vous plait, le couvert est mis et vous attend !"

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 *Titre inspiré par une chanson de Pascal Danel et par un article d’un écrit de Jérôme Leroy

 

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