Je suis fou......de Céret

Publié le par club rando

L’écharpe de neige qui entoure le Canigou lui permet de garder la tête froide. Ce mont a conservé la mémoire des éléphants d’Hannibal montant vers les Alpes, des hordes de Wisigoths déferlant vers l’Espagne, des cavaliers arabes partis d’Andalousie et aussi des volontaires de l’an II venus défendre la République en danger. Il est massif granitique autant que sentinelle attentive. La frontière nord lui paraît bien gardée par le tracé des Corbières, arides et sèches. A l’est, il contemple la ligne bleutée de la Méditerranée, précédée de ses deux étangs côtiers. A ses pieds, les vignes du Roussillon s’étendent en quart de cercle avec ses rangs de grenache et muscat qui ne demandent qu’à s’enivrer de rayons du soleil. Vers le sud, ce sont les derniers chaînons des Pyrénées qui viennent mourir sur la mer. C’est sur ce versant, tout près de la brisure entre Albères et Vallespir, qu’il pose son regard le plus attendri, vers la jolie sous-préfecture de Céret(66400). Son bon goût est reconnu. Nous l’avons suivi pour poser le sac en ce lieu et vivre une semaine de randos en étoile.

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La passejada (promenade) de Céret, véritable rambla, ceinture la vieille ville sous des platanes altiers et séculaires. Sur ses terrasses de cafés on cause, souvent en anglais, de rugby, corridas et peinture. Picasso y passa trois étés au sortir de la première guerre et y entraîna son ami Braque. La cité fourmille d’adresses gourmandes et d’étals de fruits et légumes lors du grand marché du samedi.

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La place de la République, au bout du boulevard, tout proche de notre hôtel, s’ouvre sur les premiers coteaux et invite à l’évasion. C’est à ce même endroit que Salvador Dali entreprit son «voyage triomphal» en 1965 vers la gare de Perpignan qu’il considérait comme «sa cathédrale d’inspiration et source d’illumination». Il ne restait donc qu’à profiter de son «extase cosmogonique» pour rechercher en ces lieux notre propre vision sur la constitution de l’univers. Ou du moins, plus justement, vérifier la promesse des paysages locaux.

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L’itinéraire du Vivés quitte très vite le bitume au profit d’une piste terreuse qui entre dans les sous-bois de chênes-lièges. Considérée comme non rentable, la subéraie (rourède par extension en catalan) avait été délaissée et la broussaille commençait par tout envahir. Mais l’industrie du bouchon, installée dans la plaine voisine, lui a redonné un second souffle. L’arbre refait souche à tous les sens du terme. Dès les premières hauteurs, les vues superbes commencent à apparaître sur les massifs environnants. Les serres qui surplombent le jardin à l’anglaise du splendide château d’Aubiry ont bien souffert. Il y manque la plupart des verrières et les bâtiments sont rongés par la rouille. D’une autre teinte de rouge, les cerises des vergers du mas Sainte-Thérèse tentent tous ceux qui les croisent. Les marcheuses ne résistent pas longtemps à l’envie de succomber à ces grosses perles carmin. La cueillette, instruite sur demande par l’avenante productrice, s’avère délicate, lente et cérémonieuse. Le plaisir est au bout. Tiédi par le soleil, beau à regarder, à caresser le fruit est croquant et charnu.

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Passée la mairie des Cluses, la ruelle se transforme vite en chemin dallé puis s’élève dans un bois de chênes. Ces dalles ne seraient que l’ancien revêtement de la Voie Domitia romaine. C’est dire que l’on marche sur les pas du consul Pompée dont on célébra le triomphe juste un peu plus haut au col de Panissars. Cette passe commande un verrou que de nombreux peuples au cours des siècles se sont évertués à cadenasser. Le fort de Bellegarde, construit par Vauban, domine le col. Son nom veut dire «le bon guet». Il ne surveille plus que la foule des acheteurs du Perthus. Rien n’y a changé depuis la chanson d’Eddie Constantine « cigarettes, whisky et petites pépées». Sauf que les petites pépées y font maintenant un tout autre commerce, juste un peu plus loin, vers la Jonquera.

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Saint-Laurent-de-Cerdans fut longtemps le berceau de l’espadrille. Depuis toujours on y a le pied agile. Particulièrement celui d’aimables habitantes qui, à la connaissance de notre trajet du jour, le qualifie de «petite balade». Quelques siècles plus tôt, cette région du Haut Vallespir fut un district industriel. La production de draps et la métallurgie en constituaient les deux piliers. Ces activités déclinèrent avec le modernisme. Disparurent les chevaux, les mulets et les hommes. Les arbres n’auront alors de cesse de reconquérir leur domaine. Dès que le chemin quitte le village, tout est y vert, les prairies, les vallées, les forêts. Parfois, les châtaigniers acceptent de s’effacer au profit des genêts et des bruyères. Mais les sous-bois de frênes et noisetiers reprennent très vite le dessus.

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En Roussillon, le climat est autant tourmenté que le relief. Il est changeant et quelquefois excessif. Il passe du jour au lendemain du calme à la furie car il reçoit tous les vents. La tramontane y pique souvent des grosses colères. Elle souffle, elle mugit, elle bouscule. Mais aussi elle assainit et apaise les articulations rouillées. C’est le meilleur produit phytosanitaire que l’on puisse trouver, et en plus, gratuit et non polluant !

Après Argelés, le littoral change brutalement pour devenir la Côte Vermeille. De Collioure à Cerbère, les flancs des Albères plongent dans les flots de la méditerranée. Ce jour-là, au départ de Port-Vendres, une tramontane rageuse ne supporte pas les résidus nuageux qui encombrent le ciel. Tant pis pour la manière, elle n’applique que la seule méthode qu’elle connaisse pour les dissiper, la forte. ! Avec des rafales à plus de 100 kilomètres-heure, elle fait le ménage ! Portés, bousculés par son souffle, nous empruntons un itinéraire qui serpente dans les vignes du Banyuls.

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Planté au milieu des petites terrasses de schiste, ce vignoble dessine des motifs géométriques qui finissent souvent en angle aigu. Cette disposition n’a rien de fantaisiste puisqu’elle permet de canaliser les eaux pluviales qui pourraient emporter les terres. Les murets de pierres sèches enserrent les vignes comme une ceinture de contention pour les empêcher de dégringoler. Le ciel redevient vite lumineux. Quelques cactées aux formes variées et de belles fleurs rouges piquettent les collines à la manière d’un jardin japonais. Malgré la fraîcheur, tout n’est plus que monts et…vermeil !

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Le coteau du Ventous, au-dessus de Céret, était autrefois voué à la culture des cerisiers qui produisaient les premières variétés de France par leur précocité. Aujourd’hui de nombreuses parcelles sont malheureusement en jachère ou du moins envahies par les mimosas. Ce circuit, présenté comme facile, qui s’évade dans les collines entre Céret et Reynes, s’est avéré en fait le plus long et le plus pentu, du moins en cumulé. Avec constance et continuité, tous les 16 participants l’ont mené solidairement à son terme. Comme si la fatigue s’effaçait devant la volonté d’agir ensemble, d’aller un peu plus loin, un peu plus haut.

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Le sentier du vignoble de Fourques part dans une direction, revient sur ses pas, traverse le gué, longe la coopérative du village. Il s’infléchit ensuite vers le levant, s’égare dans les agaves puis s’attarde devant les ruines historiques d’une chapelle pré-romane d’avant l’an mil. Nous sommes conduits par un expert, Jean-Luc Pujol, héritier d’une tradition vigneronne établie sur la commune depuis sept générations. Son appartenance à la terre n’est pas qu’allégorique. C’est un besoin permanent et quotidien. Dans son village, il a été le précurseur de la pratique du bio, autant par conviction que par pragmatisme. Rester maître de son avenir marque sa volonté. Lors du repas vigneron partagé généreusement dans son cellier, il nous présente fièrement et pudiquement son fils. Ingénieur bardé de diplômes, ce dernier ne rêve que d’assurer la…huitième génération.

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Il ne nous reste plus qu’à quitter Céret avec regret. Dali ne la qualifia jamais des périphrases devenues slogan touristique : «Mecque du cubisme ou capitale de la cerise». Pour lui, Céret était «Rossignolesque». On ne sait si c’est par allusion au Roussillon ou au chant des oiseaux qu’il entendait sous les platanes. Peut-être à cause des deux car le Maître savait découvrir les images doubles qui se cachent dans les mots. Céret et surtout Perpignan faisaient partie de sa géographie personnelle. Il les ressentait comme des accélérateurs de sa pensée, comme une zone transfrontalière qui cache des évidences qu’il était le seul à discerner. Il affirmait aussi qu’il devait une part de son génie à l’action de la tramontane dont le souffle rend les hommes à leurs folies. En bonne logique donc, nous ne pouvions repartir de ce lieu qu’un peu plus….inspirés

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la gare de Perpignan : le centre de la cosmologie dalinienne

Un séjour de randonnées procure généralement de belles rencontres humaines. Elles lui donnent du sens, du goût et de l’accent. Il nous est agréable de remercier particulièrement :
M. Lluis Colet de Perpignan pour son émouvant et inédit exposé sur Dali à Céret
M et Mme J. Luc Pujol du domaine de la Rourède à Fourques dont l’accueil raffiné a la douceur des grenaches
Mme Nadine Micossi, restauratrice rue Saint Ferréol à Céret dont la cuisine imprévue nous va si bien

Remerciements

Le 13 mai : Circuit dit du Vivés au départ de St Jean-Pla-de-Corts. Visite du canyon de la Fou à Arles/Tech
Le 14 mai : Circuit des chênes-lièges et du mas Anglade au départ des Cluses. Montée aux trophées de Pompée et au Fort Bellegarde du Perthus
Le 15 mai : Circuit du château des Crémadeils au départ de Saint-Laurent-de-Cerdans
Le 16 mai : Circuit du vignoble entre Port-Vendres et Banyuls (par Cosprons)
Le 17 mai : Circuit dit des Mas et du Ventous entre Céret et Reynes
Le 18 mai : Le circuit d’Adrienne dans les vignes de Fourques. Visite du portail roman du Monastir-del-Camp

les Parcours

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P
Pour les plus aventurier, il est possible de découvrir Céret par le ciel avec les diverses parapentiste proposant un vol en biplace. Les départs se font route de Maureillas ^^
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