Le pétard mouillé

Publié le par club rando

C’est un petit trou de verdure où coule un mince ruisseau qui vient tout juste de sortir de terre moins de trois kilomètres en amont. Le décor est vaste et simple mais on peut en savourer l’ampleur. Au plan central, une ligne d’arbres qui sert de berceau à la Mauldre naissante. Sur la gauche, un massif forestier qui la contient. Sur la droite, des champs qui s’étagent en pente douce et quelques bouquets d’arbres essaimés dans cet espace ouvert. C’est un petit coin apparemment méconnu et pourtant très proche de l’agglomération versaillaise. Ignoré sans doute par tous ceux qui le traversent très rapidement pour rejoindre les grands axes encombrés qui mènent vers le sud. C’est un lieu finalement qu’on aimerait bien garder pour soi et qui donne l’envie d’y revenir.

Le pétard mouillé

Ce n’est pas bien grand, Saint-Rémy-l’Honoré(78690). A la différence des hameaux voisins, il n’a pas véritablement de noyau central. A partir d’un escarpement dominé par l’église, le village s’organise en étirements étroits qui diffusent à ses pieds. Par-dessus la grille du cimetière qui jouxte l’église, une échappée indiscrète donne aux 14 randonneurs une perspective harmonieuse en direction de Neauphle-le-Château dont on devine le contour au loin sur une colline. Ce panorama se découvre dans une fraîcheur un peu inhabituelle pour ce dernier vendredi de mai. Elle ne gêne pas trop les premiers géraniums qui assument leur couleur mauve raffinée sur la terrasse du restaurant plutôt chic verrouillant la place.

Les balades d’un jour ressemblent aux romans des nouveaux écrivains à la mode. Elles racontent souvent la même chose mais à chaque fois dans un cadre différent. Elles remettent en scène un scénario convenu qui suscite toujours les mêmes questionnements. Quelle sera la distance, est-ce que cela sera dur, est-ce que cela sera long ? Y aura-t-il du café à la pause déjeuner ?

Le pétard mouillé

Aujourd’hui c’est Annick qui s’est collée à la préparation de la journée. Sur le plan des initiatives, elle possède un catalogue plus épais que celui de la Redoute. Faiseuse de tendance et bourrée d’originalité créatrice, elle a décidé de jeter aux orties le style de sorties bien plan-plan. Le circuit du jour sera scénarisé, fera appel aux TIC* et comportera une partie ludique. Elle a imaginé de positionner son parcours dans un axe ayant comme abscisse la géolocalisation et comme ordonnée la résolution d’énigmes s’enchaînant dans la progression du parcours. La conjonction finale de ces actions se conclura par la révélation d’un lieu mystère, point d’orgue de la journée

Le pétard mouillé

Au départ, l’ascendance morale et la renommée bien établie du nouveau coach séduisent. Le groupe apprécie ses initiatives et trouve surtout sa conduite assurée. Il remarque sa précision dans les carrefours, sa connaissance parfaite des subtilités du code de la route et des chemins. Chacun est convaincu qu’un tel attelage, si bien sécurisé, va permettre de passer le contrôle technique sans ambages. Mais dès l’atteinte du grand étang, c’est la technique qui grince. Le gps n’arrive plus à trouver les liaisons satellites. Il patauge, les données de géolocalisation s’affolent et deviennent imprécises. Le modernisme tant vanté n’est plus qu’un pétard mouillé.

Le pétard mouillé

Ce n’est peut-être pas plus mal. Un bon descriptif, une bonne vision sont suffisants pour la pratique d’une randonnée. C’est à force d’avoir la tête rivée sur l’écran que les gens finissent par se perdre. A tout péché miséricorde, mais pas sans contrition ! Les smartphones sont immédiatement remisés dans le sac à dos. Et tant pis si leur puce peut encore y sauter dans l’espoir de piquer le porteur. Annick ressort la carte et embrasse son sujet d’une vision aérienne. La progression continue et avance au rythme de la résolution des énigmes. L’une de celles-ci porte sur la visite de l’ancien prieuré des Hautes Bruyères. Il fut construit en 1112 pour abriter la pieuse repentance de dame Bertrade de Montfort qui voulait obtenir le pardon de ses frasques amoureuses. Le prieuré est actuellement enchâssé dans un grand domaine privé appartenant à une célèbre famille d’avionneurs. Ni les rafales de vent ni les mirages de la vie n’ont affecté l’édifice. La sacrificielle photo de groupe y sera laissée en guise de carte de visite.

Le pétard mouillé

La longue traversée du plateau céréalier déconcentre les marcheurs. Ils oublient quelques temps les consignes du jeu. Un peu comme des écoliers dissipés qui désespèrent la maîtresse. Ils mettent un temps fou à préparer un exercice, prennent un soin infini à souligner les titres, à écrire en gras leur patronyme. Au moment de relever leur copie, ils n’en sont qu’au premier sujet. La beauté du bois du Parc aux Anglais réveille l’intérêt des marcheurs. La nature siliceuse du sol a creusé de profondes ravines. Sa traversée y gagne en intensité car l’érosion a créé du relief. De grands pins sylvestres, en position de sentinelles, émergent d’une mer de bruyères.

Le pétard mouillé

La montée vers l’église de Saint-Rémy puis le retour vers Bicherel livrent leurs dernières énigmes. L’ensemble des résultats permet de décrypter et de se rendre au lieu mystérieux où va se dénouer la journée. Chacun va le découvrir pour la première fois. C’est un étrange jardin chinois, totalement insolite dans ce coin des Yvelines. Fermé en semaine, il a accepté exceptionnellement de recevoir. Présenté comme inspiré par la tradition asiatique, ce havre de paix doit inciter à la rêverie, au ressourcement et à la méditation. Bercé par le yin et le yang (féminin et masculin) le feng et le shui (le vent et l’eau),sa composition relève de l’harmonie de la nature.

Le feu d’artifice promis finit hélas en pétard mouillé. Y parvenir est déjà une aventure car il se repère difficilement, au bout d’une longue piste de terre poussiéreuse. L’écrin est magnifique mais le jardin est quasiment à l’abandon, envahi par les mauvaises herbes. Des mares d’eaux stagnantes croupissent dans les bassins. Pour les visiteurs, l’impression d’ensemble se traduit par une demi-déception. Mais pourquoi les propriétaires ont-ils laissé se déprécier un si bel endroit ?

On vient de mesurer la fragilité des lieux et sûrement aussi la complexité de ceux qui en ont la charge !

* technique d'information et de communication

Le pétard mouillé

Bicherel, le grand et le petit étang, la fontaine aux Pères, le prieuré de Hautes Bruyères, le chemin aux bœufs, le carrefour royal, le bois aux Anglais, le camp romain, le Long des Bois, le chemin des fillettes, l’église de St Rémy, retour par le petit moulin follet.

Le parcours

Le pétard mouillé
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article