Plus que parfaites

Publié le par club rando

A Cubières, tous près des gorges de Galamus que vous avez délaissées pour rejoindre directement l’énigmatique «Pech de Bugarach», les journées coulaient simples et frugales. Elles s’enrichissaient de la présence autour de ma famille de quelques paysans acquis comme moi à la foi cathare. J’aurais pu y mener une vie paisible, entourée de «Bons Hommes» et de «Bonnes Dames» pieux et charitables qui ne demandaient qu’à suivre la voie des apôtres. Mais la destinée en a décidé autrement. Moi, Guillaume Bèlibaste, dernier hérétique brulé vif en 1321 à quelques lieues de mon village natal, suis devenu la figure emblématique de tout un peuple qui depuis un siècle endurait la répression. Ma renommée récente est née de la plume de nombreux écrivains qui se sont servis de mon personnage pour créer la légende.d'un panthéon occitan.*

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Pendant ces huit journées, votre route a croisé plus d’une fois mes lieux d’errance et de prédication en tant que Parfait. Les pistes que vous venez d’emprunter et que vous baptisiez sentiers Cathares ou chemins des Bons Hommes restent encore «une balafre ouverte dans la chair occitane.» Entre Corbières et Pyrénées Ariégeoises, votre circuit n’a été qu’une itinérance pleine de surprises, chaleur et émerveillement. Pour moi ce fut un chemin d’exil mais aussi de lumière.

Tout au long des 160 kilomètres de votre parcours, des vignes méditerranéennes aux montagnes d’Andorre, les paysages témoignent encore et toujours de cette histoire médiévale mal connue et sans doute trop idéalisée.

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Je me doute que l’assurance de trouver ici une pluralité de sites, perspectives et horizons a été la conviction première de votre venue. Vous avez constaté que si l’altitude reste sage, les reliefs sont heurtés et les dénivelées surprenantes. Du glacis calcaire du Roc Paradet, surveillant la vallée de l’Agly, aux dents crochues de la réserve naturelle d’Orlu du côté d’Ax-les- Thermes, les influences climatiques s’entrechoquent et modifient le paysage. Au début les collines arides sont vite remplacées par un épais maquis qui recouvre des effleurements dominés par l’envoutante table inversée de Bugarach. Avec ses grands espaces fourragers, le plateau du Quercorb fait ensuite le lien avec le massif de la Tabe. Franchie l’impressionnante entaille des gorges de la Frau, les sapins et les hêtres apportent alors la promesse des Pyrénées. Elles s’étalent en majesté au col du Chioula dans un époustouflant panorama qui donne l’envie de s’arrêter pour attendre la naissance des étoiles.

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Dans cet itinéraire exigeant, vous avez déniché les pauses agréables et les petits bonheurs qui jalonnent la route. Vous avez apprécié la chapelle ou la ruine intéressante. Vous avez aimé surprendre la fleur de gentiane ou relever la trace d’une martre. Vous avez goûté l’accueil confortable de la maison d’hôtes ou du gîte rural lovés dans de vieux villages. Peut-être avez-vous gardé certaines images fugitives plus personnelles qui s’égrènent encore dans votre mémoire? Un raidillon interminable qui serpente entre des haies de genêts et des murets de pierre, l’air qui devient plus frais dès que s’annoncent les sapins à crochets, la piste qui suit la rive d’un torrent bouillonnant de remous !

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Mais dans ces sentiers, là où justement l’effort de la marche incite à la pensée, vous avez surtout rencontré le décor d’une tragédie ancienne, d’un drame de l’histoire médiévale occitane.

Les générations nouvelles ignorent souvent tout des croyances d’autrefois. Mes frères et sœurs «Bons Hommes et Bonnes Dames » ont calqué leur vie sur la simplicité des mœurs et sur la communauté des premiers chrétiens. Nous ne croyons ni à l’enfer ni au purgatoire. Chaque être humain est destiné à gagner le paradis. Nous refusons le clergé cupide qui combat férocement ce qu’il nomme hérésie. Mais pour nous, les flammes et le bûcher n’ont jamais brulé la pensée. «Face à une église qui possède et écorche, nous affirmons incarner une église qui fuit et pardonne, la seule fidèle à l’héritage des apôtres !»

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Aussi je vous remercie d’être venus sur place interroger les ruines sublimes de quelques hauts-lieux de notre histoire. Quéribus, que vous n’avez fait qu’apercevoir en haut de son piton rocheux, force l’admiration et incite à l’imaginaire. La vue sur le château de Puivert qui se dresse sur la colline est superbe. Pris par les croisés, son aspect actuel date d’un aménagement postérieur. La masse calcaire du «Pog» de Montségur jaillit des prairies et des forêts. La silhouette de cette citadelle du vertige aimante tous les regards. Vers le nord, elle domine de 500 mètres les champs, les bois et les ruisseaux. C’est aussi le vestige le plus symbolique de notre foi. 220 «Bons Chrétiens » refusèrent de renoncer à leur croyance et coururent se jeter avec joie dans les flammes. Le village de Montaillou, abordé en fin de parcours, représente l’ultime poche de résistance. Mon histoire y est liée puisque j’ai partagé la vie de quelques habitants refugiés en Espagne. Plus tard, l’historien Emmanuel Leroy-Ladurie lui consacrera une étude brillante dans laquelle il décortique les silhouettes encapuchonnées des derniers fidèles ainsi que l’univers des humbles paysans du moyen âge.

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«Le catharisme se veut hors d’un monde qu’il ne peut changer ». Je ne sais plus si notre vision est toujours vivante. Mais je vous rends grâce d’avoir eu la sagesse de découvrir notre territoire dans la simplicité de l’effort. Vous avez éprouvé la présence constante de votre corps, de votre âge et de votre forme. J’ai bien remarqué que dans votre groupe de huit, vos deux compagnes paraissaient les plus lumineuses, que ce soit dans l’attitude, l’entrain ou la forme physique. Aussi, moi qui fut tant accusé d’avoir été un «Parfait imparfait» permettez-moi alors de me racheter en les qualifiant toutes deux de «plus que parfaites»

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Avant de vous quitter, je voudrasi évoquer le lieu où, pour vous, tout a commencé, la montagne de Bugarach. Vous avez compris qu’un halo de secrets flotte toujours sur cette gigantesque proue minérale. Bien des rumeurs et des interrogations subsistent mais souvenez-vous cependant que c’est le regard fixé sur elle que j’ai prononcé mes dernières paroles avant de partir au bûcher retrouver le Père saint : « Dans 700 ans reverdira le laurier !»

Vous n'avez donc plus que 6 ans à attendre !

Plus que parfaites

*J.Duvernoy : Les registres d’inquisition de Jacques Fournier, G.Langlois : Notes sur Guilhem Bélibaste et sa famille, H.Gougaud : Bélibaste, A.Brenon : Le vrai visage du catharisme, E.Leroy-Ladurie : Montaillou village occitan

Plus que parfaites

Le 25 juin : St Paul-de-Fenouillet, GR 36, Roc Paradet, Bugarach. Etape à la Maison de la Nature
Le 26 juin : Bugarach, col du vent, le Bézu, St-Julia de Bec, Quillan. Etape à la Forge
Le 27 juin : Quillan, chemin de Brénac, Nébias, GR7a, Puivert. Etape au gîte les Marionnettes
Le 28 juin ; Puivert. mouche, la calmette, mathalis, le flanc du Plantaurel, col del Teil, Bélesta. Etape à la maison d’hôtes Joli Jardin
Le 29 juin : Bélesta, Fougax, Pelail, GR 107, Montségur. Le Pog. Etape à la maison d’hôtes l’Hostal
Le 30 juin : Montségur, Pélail, gorges de la Frau, Comus. Etape au gite Communal
Le 1° juillet : Comus, GR 107, Prades, Montaillou, col de pierre Blanche. Etape au refuge du Chioula
Le 2 juillet : Refuge du Chioula, GR 107, Sorgeat, Ascou, Orgeix, Ax-les-Thermes

Le Parcours

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