La trace du mythe

Publié le par club rando

Elle est arrivée, sourire aux lèvres, parmi les premiers, apprêtée pour une journée qui s’annonce humide. Puis s’est posée au milieu des amis qu’elle avait tant hâte de rejoindre. Après une vilaine année de purgatoire imposée par un genou abimé, Annick a encore une légère inquiétude dans le regard. Elle préfère annoncer une prudence raisonnable pour sa première marche de reprise. Sa réserve ne masque en fait qu’une furieuse envie d’aller tout au bout.

La trace du mythe

Le thème de cette sortie du 4 novembre « la Commune de Paris dans l’est Parisien» est double. Révéler un paysage urbain tout en faisant revivre un fragment de son histoire. André a pris une volupté particulière à se lover dans ce défi délicat. Il sait que l’exercice du jour sera sensible. Il va falloir se faufiler entre présent et passé, se confronter entre évocation et réel. Et, en plus, mettre ses pas dans la trace du mythe de la Commune. Il a donc peaufiné avec rigueur son intervention car si la mémoire demeure suggestive, l’Histoire n’exige que l’objectivité*.

La trace du mythe

Trente-trois randonneurs ont répondu avec enthousiasme à ce projet que la plupart appréhende en novice. Se glisser en flâneurs est le moyen le plus agréable pour saisir l’atmosphère des lieux à découvrir. La rencontre avec le récit du jour va ajouter au plaisir et apporter à chacun sa petite résonance personnelle. Il sera prudent cependant de garder toute sa vigilance face à la circulation automobile.

La trace du mythe

Passé le boulevard de Belleville, Paris fait le dos rond, courbe l’échine et prend de l’ampleur. Au sommet des collines, le plateau de Belleville-Ménilmontant domine la capitale. Son annexion en 1860, peut-être parce que la population y était déjà frondeuse, le partagea entre les deux ultimes arrondissements. Cette position élevée a l’avantage d’ouvrir des points de vue panoramiques. Fabienne, et beaucoup d’autres participants, ont l’agréable sensation de découvrir les vues d’à côté, de  tout comprendre d’un coup d’œil. Perchée sur la colline la plus cachottière de la capitale, la butte Bergeyre offre une vision sans égale sur la basilique du Sacré-Cœur. Construite sur les vestiges d’un parc d’attraction et d’un stade de football, elle ne compte que deux petites rues, encadrées de maisons bourgeoises. Les escaliers qui y grimpent en s’accrochant à ses flancs sont plus escarpés que ceux de Montmartre.

La trace du mythe

Le joli nom de Buttes-Chaumont cache l’origine d’un antique «Mont Chauve», truffé de carrières de gypse. Leur exploitation intensive fragilisa les sols qui devinrent dangereux. A la demande du baron Haussmann, l’ingénieur Alphand  se chargea de  métamorphoser le site. Les accidents de terrain, au lieu d’être aplanis, furent accentués. De bonne grâce les marcheurs acceptent son relief pentu. Droit devant eux, les silhouettes blanchâtres des tours de la rue de Flandres éclaircissent le décor grisâtre d’un horizon bouché. Un peu de vent essaie, sans y parvenir, de chasser la pluie. Mouzaia est le nom d’une bataille ayant opposé en Algérie les troupes du Duc d’Aumale à celles de l’Emir Abdelkader. C’est aussi celui d’un ilot préservé où de petites maisons individuelles se serrent les unes contre les autres. La fragilité du terrain a préservé les demeures, bâties sur des zones non viabilisées et devenues inconstructibles. Tout y rappelle le calme et le caractère apaisant de la vie à la campagne. Les façades, quelquefois en briques, sont étroites, et le plus souvent envahies de verdure. Dans un jardin, un vieux lilas, dont le tronc s’est fendu, continue à distribuer ses branches sur une tonnelle. Ici le bonheur se veut caché. Dans l’alignement de ces ruelles pavées, seuls les chats flânent tranquilles.  

La trace du mythe

Rue du Pré-Saint-Gervais, le groupe écoute avec surprise et le recueillement de circonstance les explications concernant le temple Antoiniste. C’est une surprenante religion de consolation  créée en Belgique il y a plus d’un siècle.

La trace du mythe

 Les marcheurs retrouvent ensuite le charme intemporel de la rue Paul-de-Kock et des impasses adjacentes à la rue du Borrégo. Le rouge des vignes vierges qui courent sur les murs est la tonalité de base. Ces voies bordées de villas semblent être plongées dans un demi-sommeil qui s’accorde bien avec cette période de l’année.

La trace du mythe

 Une pluie froide qui tombe drue précipite l’horaire du repas. Il sera pris au sec. La place Henri Krasucki, toute ronde,  ressemble à un gâteau d’anniversaire avec son arbre central fiché comme une bougie. Sur la rive droite, la Seine recevait autrefois le ru qui dégringolait de Ménilmontant. Les sources furent captées au 13° siècle et les eaux drainées vers des regards. Les rue de la Mare et des Cascades en portent encore le témoignage. Marc a trimballé dans son sac un petit carnet. Tel un jeune étudiant studieux,  il consigne des notes sur les commentaires entendus au long de la journée. J’ai toujours soif d’apprendre confie-t-il, puis affirme : A mon âge, rien n’est plus à craindre mais tout reste à comprendre !

La trace du mythe

Le mur des Fédérés au Père-Lachaise clôt la balade et la note finale de l’exposé. En cette fin d’après-midi, dans l’environnement ouateux et humide, le cimetière paraît passer dans  une autre dimension. Luxuriant de verdure, il prend un faux air de temple Khmer, d’où émergent, dans le soir naissant, les monuments funéraires qui ressemblent à des pagodes.

André  lance le débat conclusif. Que reste-t-il de de la Commune. Fut-elle une agitation parisienne avec un sens prémonitoire de l’avenir ou bien une simple poussée de fièvre autonomiste en contradiction avec le reste du pays ? 

La trace du mythe

Francis, comme pour toute chose, garde une attitude distanciée. Il se méfie des icônes et des idoles. Et puis ajoute-t-il, C’est bien connu, dans tout mythe, le passé n’apparaît jamais aussi beau qu’au présent !

* voir exposé «Une utopie sanglante» dans la rubrique Annexe du blog

La trace du mythe

Convocation au métro Belleville, Rue de Belleville (évocation le café la veilleuse, n° 9 maison de Jules Valles), Rue de Tourtille, Rue de Rebeval (évocation charnier n ° 48 et site usine meccano au n° 78), Avenue S. Bolivar (prendre escalier Evocation cité Bergeyre (Évocation de Louise Michel), Traversée du Parc des buttes Chaumont (Évocation épisode des canons et des luttes sanglantes des Fédérés), Traverser ruelles de la Mouzaia Voir temple Antoiniste au 49 rue pré saint Gervais, Rue Paul de Kock, Rue Haxo (Évocation villa des otages au n° 83 et Chapelle expiatoire au n° 85), Rue du Borrégo, Rue de Belleville Rappel existence ancienne mairie du 20° au n° 38, (Évocation de Gustave Flourens), Rue Jean Baptiste Dumay (évocation du personnage), Place H. Krasucki, Rue des Cascades Evocation centre anarchiste Louise Michel au n° 42 ter, r Rue Boyer (voir la Bellevilloise), Place Martin Nadaud (évocation du personnage), Cimetière du père Lachaise

Le Parcours

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