Les étrennes

Publié le par club rando

Les flûtes à champagne, soigneusement essuyées, ont été impeccablement rangées au fond des vaisseliers depuis plus d’une semaine. Pourtant traîne encore dans l’atmosphère brumeuse de ce matin du 12 janvier un petit air de fête. L’échange de sourires, le plaisir de se revoir auront valeur d’étrennes. Le mot convient. Ces présents qu’on a l’habitude d’adresser les premiers jours de l’année désignaient chez les Romains un cadeau offert à titre d’heureux présage. A l’origine, rameaux de verveine cueillis dans les bois sacrés de la déesse Strena, les étrennes se transformèrent ensuite en petites friandises sucrées pour que le cours de l’année garde la douceur de son début. Bien qu’une légère froidure picote les nez, l’étreinte matinale des 32 participants est autant chaleureuse que symbolique : apprivoiser ensemble l’avenir.

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La balade sera brève. Elle invite à relier Sèvres à Saint-Cloud en traversant le domaine national du Parc de Saint-Cloud. Un trajet, minuscule dans la carte des banlieues, mais généreux en petites surprises cachées. La situation géographique bien particulière de Sèvres se comprend dès que l’on franchit la Seine. L’étroitesse du relief crée un contraste saisissant entre deux flans latéraux, couronnés par des bois posés comme un édredon, et le fond du vallon fortement urbanisé. Ici toute marche débute donc par une montée.

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Devant le groupe, une classe d’école primaire longe sagement le muret qui encadre un jardin public. A l’intérieur, un immeuble à insectes accroché sur un vieil arbre fruitier les attend. Les enfants vont sans doute y déposer des graines et revenir plus tard, avec leurs parents, savourer la tâche accomplie. De jolies maisons de caractère s’enfouissent dans le maillage des rues montantes. Elles offrent des échappées sur Boulogne et Paris. Bel héritage du passé puisque à la fin du dix-neuvième siècle, la proximité de la capitale et l’installation de deux lignes de chemin de fer vont transformer le relief sévrien en une zone de villégiature attractive. A cette époque, cette banlieue devint pour les bourgeois et intellectuels parisiens le plus accessible des lointains. Bien plus tard, le recentrage des zones d’affaires vers l’ouest francilien modifiera cette particularité, et le logement secondaire d’agrément deviendra résidence principale. Une gare pour se rendre à son travail, des bois tout proches pour s’aérer, de grands espaces pour loger sa famille, voilà un slogan plus actuel d’accroche immobilière. Dans cet environnement, la vie paraît belle, du moins pour ceux qui peuvent se l’offrir.

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Les trains qui viennent de Versailles-Chantiers ne se pressent pas de regagner Montparnasse. Ils savent qu’ils roulent dans la plus jolie partie du parcours et tiennent à en profiter. Après avoir longé un bon moment les rails, le parcours replonge vers le centre-ville. Les rues sont désertes en ce milieu de matinée. Elles n’aspirent d’ailleurs qu’au calme. Seuls des travaux de voirie perturbent l’évident désir de se faire oublier.

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L’Orient a toujours fasciné la France. Mais si à Paris les pas des curieux conduisent devant de nombreux monuments asiatiques, bien peu sont arrivés jusqu’à Sèvres. Et pourtant, derrière une ligne d’immeubles qui l’occulte de la Grande Rue, s’élève la bien surprenante pagode Tin Tham (du cœur tranquille). Son histoire est récente. En 1977 dans le bois de Vincennes, une hutte africaine géante, vestige de l’exposition coloniale de 1931, fut reconvertie comme lieu de culte bouddhiste. En 1980, des membres de la communauté asiatique, souhaitant construire un édifice plus conforme aux traditions architecturales, choisirent Sèvres pour le bâtir de leurs propres mains. Des matériaux de construction furent importés d’Extrême-Orient afin de mêler diverses influences culturelles. Pour que la pagode soit le carrefour universel de tous ses donateurs, d’origines vietnamienne, cambodgienne, laotienne ou chinoise.

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Derrière les dorures de la porte d’entrée, s’apprécie l’harmonieux équilibre de l’édifice à trois niveaux. Un grand bouddha couché repose parmi les plantes exotiques du jardin annexe. Son indolence n’est que factice. Sa gravité suggérée impressionne au moins les statuettes animalières qui lui font face.

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L’on peine à se souvenir que Sèvres fut aussi une active cité laborieuse L’imaginaire la réduit trop souvent aux seules images de la manufacture et du parc. Près des escaliers de Glatigny subsiste encore un reste de l’ancien centre-ville. Une belle iconographie murale évoque des scènes de vie du début du vingtième siècle. La teinte sépia utilisée cherche peut-être  à souligner la rudesse de cette époque révolue. Pourtant en y regardant de plus près, on voit un chien dormir tranquillement au milieu de la chaussée, des hommes débonnaires se diriger vers leur travail et des jeunes filles s’interpeller joyeusement en souriant à la légèreté du jour. Pas vraiment évident d’apprécier l’image que se font du bonheur deux époques différentes !

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Dans le quartier de Brancas, plus s’élève la rue qui conduit au parc, plus les maisons affichent une opulence maîtrisée. La porte dite de"la Broussaille"ouvre enfin sur l’espace. Comme un tremplin suspendu au-dessus de la Seine, le parc de Saint-Cloud s’étire longuement vers l’ouest en paliers successifs.

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Il est bien encadré. Sur son flanc gauche, il domine en contrebas un tissu de pavillons de Sèvres et de Ville-d’Avray engloutis sous la verdure. Sur le côté droit, l’autoroute A13 l’isole des communes de Saint-Cloud et Garches par une saignée infranchissable. Le parc paraît beaucoup plus grand qu’il ne l’est. Les grandes allées centrales qui le structurent s’interrompent brutalement avant d’atteindre leur terme.

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Un relief tourmenté leur succède, fait de creux, de bosses et chemins biscornus qui se confondent dans un foisonnement forestier. Pour se laisser surprendre, il faut éviter les larges perspectives et se perdre dans le dévers.

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On y croise cependant quelques rares voitures et même une zone réservée, insolite dans un domaine public, dont les occupants ont sans doute à préserver quelques secrets cachés. Malgré la grisaille du jour, la succession de petites rampes a donné de la couleur à la balade et du souffle aux marcheurs. Sur l’ultime chemin boueux, derrière une vaste pelouse ceinturée de hauts arbres déplumés par l’hiver, se distinguent les premiers toits de Saint-Cloud. On prendra le temps nécessaire d’y évoquer l’histoire des lieux.

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Il y aura un petit retard par rapport à l’heure prévue pour la visite à venir du Musée des Avelines à Saint-Cloud. S’imposer des règles trop strictes, c’est souvent partir dans l’impasse. Même la plus courte des marches pédestres aspire à de petits moments d’éternité !

 

Sèvres(92310) Passage du Marivel, Av H. Regnault, Passage T. Deck, rue M.Berteaux, gare de Sèvres R.G., rue des Rossignols, rue de la Garenne, rue du Bois(Pagode), escaliers de Glatigny, descente de la Croix Bosset, rue de Rueil, Le Parc de Saint Cloud, allée de la Broussaille, la porte de Ville-d’Avray, le pavillon du Piqueur, la Faisanderie, allée de la Glacière¸ Saint-Cloud (92210) rue Gounod, Musée des Avelines, Gare Sncf

le Parcours

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M
Meilleurs voeux à tous, et à bientôt sur des sentiers différents, même si aujourd'hui le soleil n'était pas avec nous, qui nous ont permis de découvrir La bonne Mère avec, en arrière plan, un magnifique arc en ciel.<br /> A bientôt sur ces sentiers dont j'envoie qq photos à François par mail.
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