La Sainte-Chapelle du béton armé

Publié le par club rando

Depuis le début de l’année, tout le nord de la France se désolait de l’omniprésence de la pluie et d’un ensoleillement atteignant les records historiquement les plus bas. Le moral en berne, on  rêvait d’un froid sec, d’un vrai temps d’hiver. Le début février a enfin satisfait cette espérance. Sortant d’un long sommeil, un épisode neigeux changea brusquement le paysage francilien pour le repeindre en blanc. Mais la neige, "cette poudre aux yeux de l’hiver" si joliment qualifiée par l’écrivain Sylvain Tesson, on l’aime ou on la déteste ! Tombée en abondance, elle bloque tout, d’abord les routes ensuite les agendas. Devant la continuité de prévisions climatiques hostiles, il fut sagement décidé de reporter à la fin du mois la sortie prévue à Elisabethville (78410)

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Martine s’est levée ce matin en sachant que la journée serait fraîche mais très lumineuse, par  le fait d’un courant d’air glacial venu de Russie.

La Sainte-Chapelle du béton armé

Ce mercredi 27 février, un large soleil d’hiver s’est posé sur la petite prairie qui surplombe la Seine. A seulement quarante kilomètres de Paris, le site d’Elisabethville a été vite rejoint. Le froid pique vif. Pas trop le moment d’entamer, avant marche, de longues discussions liminaires. Le seul débat qui oppose les huit courageux du jour porte sur la valeur ressentie des températures négatives (moins quatre,  moins huit ?) auxquelles il faudra avoir assez de tempérament pour résister.

La Sainte-Chapelle du béton armé

Le nom du lieu tout d’abord interpelle. Il a bien la même origine que l’ancienne capitale du Katanga et fait référence à la reine Elisabeth, épouse du roi Albert 1° de Belgique. Le domaine agricole de "l’Ancienne Garenne", qui s’étendait près des bords de l’eau sur le territoire d’Aubergenville, fut racheté en 1921 par une société anonyme belge afin d’y construire une cité de villégiature. Son promoteur, par fierté nationale, l’appela du nom de la reine des Belges, dont le courage pendant la première guerre avait suscité l’admiration et construit l’image d’un roi résistant et d’une reine infirmière.

La Sainte-Chapelle du béton armé

La grande originalité du plan de cette localité résida dans son dessin radioconcentrique, tournant le dos à la Seine. Les seules constructions autorisées ne seront que villas ou petites habitations de style normand. Les références à la Belgique se matérialisent dans le nom des rues qui n’évoque que l’Outre-Quiévrain. Bien qu’éloignée de la mer, la cité se veut avant tout station balnéaire :  on se baignera dans le fleuve. Nombreux seront les parisiens qui viendront de la gare Saint -Lazare y respirer un autre air et profiter de sa célèbre plage totalement artificielle, de ses casinos et ses hôtels. Mais les bains en rivière, moins hygiéniques que vivifiants, finissent par lasser. On déserte la plage car une belle piscine est venue la remplacer. Ce nouvel attrait permet de prolonger l’activité balnéaire pendant la période du Front-Populaire.

La Sainte-Chapelle du béton armé

La seconde guerre gèle l’attractivité, puis survient dans les années cinquante un évènement d’importance. L’arrivée de l’usine Renault qui s’installe juste à côté. Une nouvelle histoire s’écrit désormais, celle de l’industrialisation. Elisabethville n’est plus une station de villégiature mais devient banlieue-dortoir pour les salariés de l’usine de Flins. Le rêve de la cité-jardin s’effondre. Les établissements publics, à l’abandon, sont détruits. De nouveaux quartiers, sans charme particulier, l’agrandissent. Les villas de villégiature se revendent. Le brillant passé de loisirs de la ville tombe progressivement dans l’oubli.

La Sainte-Chapelle du béton armé

Le parcours débute sur les lieux occupés autrefois par la fameuse plage. Presque figés par le froid, ils n’offrent plus que l’ombre rêveuse de leur antique gloire. Une faible incurvation du flot s’y dessine, sous le regard des coteaux de la Montcient qui dégringolent sur la berge opposée. Entre fleuve et agglomération s’étend une bande agricole incisée en son centre par  une ballastière réhabilitée en plan d’eau. Marcher dans ces tons froids d’hiver invite à l’introspection. Les gelées nocturnes, pas encore évanouies, ont figé la terre et la cime des bouleaux qui longent le fleuve. Le silence domine et seul un écho confus s’entend de la rive d’en face. Mais écoute-t-on vraiment les arbres frissonner !

La Sainte-Chapelle du béton armé

Un ancien bras de la Seine, le Giboin, double le fleuve. Les emplacements de pêcheurs se multiplient. Chacun y a installé son petit ponton privatif, pour poser ses cannes aux beaux jours et affirmer son droit éphémère à la tranquillité et à la rêverie. Plus loin, le liseré gris du cours de la Mauldre se distingue à peine derrière des roseaux flétris. Ils marquent la limite avec la plaine céréalière et annoncent le biotope du "Bout du monde". C’est le nom de l’ancienne carrière utilisée auparavant pour la construction de l’autoroute A13, puis mise en eau et reconvertie en réserve écologique préservée.

La Sainte-Chapelle du béton armé

Derrière les buttes végétales qui la dissimulent, l’étendue lacustre se fait plutôt cachottière. Le grand étang central exerce un attrait indéniable pour les oiseaux. Beaucoup moins pour les promeneurs, qui ne peuvent l’admirer que de loin. D’ici un mois, au début du printemps, il offrira son hospitalité aux rassemblements de canards qui viendront y tenir congrès.

La Sainte-Chapelle du béton armé

On sait que les premières structures sociales connues se sont manifestées au moins trois mille ans avant notre ère. Leurs représentations les plus remarquées sont des ossuaires regroupés le plus souvent sous de grandes dalles de pierre appelées "allées couvertes". Celle de la "Pierre de Justice"s’élève toujours sur son site originel, inclus maintenant en plein cœur d’un quartier récent d’Elisabethville. Elle intrigue et fascine. Nous ne savons que peu de choses sur ces premiers habitants de l’ancienne Garenne d’Aubergenville. Leurs préoccupations essentielles devaient être d’assurer subsistance et sécurité, avec sans doute, la protection des Dieux qu’ils s’étaient choisis.

La Sainte-Chapelle du béton armé

On n’échappe pas au mystique. "Une cité sans église est un corps sans âme" répétait souvent l’Abbé Mancel, curé d’Aubergenville qui, suite à une souscription publique, inaugura en 1928 l’étonnante silhouette d’une toute nouvelle église dédiée à Sainte-Thérèse. Construite en béton armé, le matériau ne se cache pas puisqu’il s’exprime aussi sur les monumentales sculptures extérieures. Sa flèche unique, fine et légère, vaudra rapidement au bâtiment le nom de "Sainte-Chapelle du béton armé".

La Sainte-Chapelle du béton armé

L’intérieur de l’édifice est exceptionnellement ouvert à la visite grâce à la gentillesse de la mairie d’Aubergenville, actuel propriétaire. Placée sous le signe de la lumière, la polychromie des vitraux éblouit les huit visiteurs et crée à elle seule le décor. Ils ressortent admirer l’ensemble et remarquer la géométrie des motifs de la grille de la porte d’entrée, bien dans la veine art-déco.  Juste à ce moment un pigeon-ramier vient se poser, en façade, sur la tête  de l’archange Michel. Veut-il respirer un air encore plus frais ? A moins qu’inspiré par le lieu, il ne se soit pris pour le Saint-Esprit !

La Sainte-Chapelle du béton armé

Elisabethville n’a jamais été une commune administrative, actuellement le territoire du site se partage entre les localités d’Aubergenville (partie historique) et d’Epône (son extension).
L’ancien château du domaine de la Garenne, la Ferme, le chemin de la Grande Ile, la plage de Paris, le chemin du Giboin, le coin des pêcheurs, le biotope du Bout du monde, le chemin de la Mauldre, l’allée couverte de la Pierre de Justice, la rue Christine, l’ancien centre, l’église Sainte-Thérèse.

le Parcours

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