Elle court, elle court la banlieue

Publié le par club rando

Lorsque Gérard partait vers les vacances dans sa prime jeunesse, la traversée de Trappes annonçait la sortie définitive d’un espace mal défini entre capitale et banlieues. De cette cité cheminote, il ne savait pas grand-chose, si ce n’est qu’au-delà des rails, en cherchant bien, on pouvait trouver une surprise inattendue. Dans un fond de vallons, issues de la Bièvre tout juste naissante, les eaux tranquilles des étangs de la Minière offraient aux promeneurs curieux toutes les palettes de bleu sombre, du presque mauve au presque gris. Gérard avait même pensé y faire une halte, du moins un jour qu’il serait moins pressé, une prochaine fois, c’est-à-dire jamais !

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Il y a cinquante ans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines n’existait pas. Le développement urbain exigea l’extension d’une deuxième couronne de la région parisienne. Fallait-il encore éviter le piège des cités-dortoirs et autres grands ensembles. Façade de la modernité, cet aménagement d’un type nouveau devait proposer un cadre de vie agréable, des logements de préférence individuels et un environnement de services. Ainsi, autour du noyau central de Trappes, sept anciennes petites communes se réunirent pour créer la nouvelle  agglomération de Saint-Quentin et transformèrent leur campagne en habitations. Elles tissèrent par la suite un canevas d’activités tertiaires pour amener de la prospérité. Toutes voulurent se doter d’une réserve de nature, ou à défaut la reconstituer par création d’espaces arborés. A l’existant, forêts, étangs, et quelques rares terres céréalières préservées, les aménageurs rajoutèrent alors plans d’eau, allées gazonnées, parcs publics et même un golf.

Elle court, elle court la banlieue

Regroupés devant la gare de Saint-Quentin- en-Yvelines en ce matin de début mars, Gérard et ses comparses du jour ont tous accepté de venir sur des chemins moins ruraux. Sachant cependant que la sortie s’inscrira davantage dans une flânerie au hasard des arbres et de l’eau que dans le flux de la ville, les 14 marcheurs prennent en confiance la direction des sources de la Bièvre et ses étangs mystérieux.

Elle court, elle court la banlieue

Des sept localités fondatrices, Guyancourt est celle qui donne l’image la plus complète de ce dessein de nouvelle ville pour une nouvelle vie. En abritant le technopole Renault et l’espace Challenger, siège pharaonique du groupe Bouygues, la cité s’est pourvue d’une zone d’activités pourvoyeuse d’emplois. A partir du centre commercial installé en bordure sud de la Nationale 10, elle contrôle un des cœurs économiques de l’agglomération. Ses nombreuses zones résidentielles se dispersent vers le large, dans un maillage d’immeubles modernes et de pavillons séparés par des esplanades et allées paysagères.

Elle court, elle court la banlieue

Après avoir rapidement délaissé le dédale piétonnier qui voisine le parvis de la gare, une longue promenade aérée affirme que la tonalité chromatique de la balade se conçoit bien en vert et bleu. Un jardin abrite un curieux labyrinthe végétal où démarre un petit fossé qui va en s’élargissant. La voie la plus rapide pour atteindre la Bièvre et le vallon des étangs passe par le bois des Roussières. Sous ses amples frondaisons s’effacent les lointaines silhouettes des bâtiments de la zone commerciale.

Elle court, elle court la banlieue

Coupée par le passage successif de routes transversales, cette coulée boisée débouche au pied de la butte du hameau de Bouviers. Sa montée abrupte s’amorce en baissant la tête. Lorsqu’on la relève, des rues tortueuses, quelques anciennes maisons rurales, une antique ferme témoignent du souvenir d’un temps disparu. Celui d’un département évanoui, qu’on appelait la Seine-et-Oise, dans lequel chaque village, chaque hameau paraissait un concentré de l’Ile-de-France. Ici, s’impose l’image du passé, comme si le lieu voulait gommer la réalité des alentours, trop neuve, trop moderne.

Elle court, elle court la banlieue

La sente de la Route des Sangliers longe le parc du site de Challenger puis s’enfonce dans la forêt qui domine l’étang du Moulin à Renard. Rien ne semble avoir bougé. C’est une poche  de nature permanente, épargnée de l’urbanisme envahissant. Sur un arbre, une trace de balisage indique de descendre vers les rives. Dissimulé sous d’anciennes fougères, le chemin refuse d’aller plus loin. Il vaut mieux reprendre une piste parallèle qui plonge sur l’étang. Pas une risée ne vient briser le miroir de l’eau. On se demande si la Bièvre y coule et surtout dans quel sens. Un tissu de mousse recouvre le bas du chemin qui remonte le bois de la Minière.

Elle court, elle court la banlieue

Protégée par des grilles, une harde de daims en semi-liberté ignore totalement le groupe qui les croise. Un léger souffle de vent a apaisé tout ce qui aurait pu les inquiéter. Derrière leur enclos, on peut épier les cervidés, sûrs de ne pas être vus. Le chemin devenu raidillon débouche sur de jolies villas qui, bien que tutoyant la forêt, marquent la rupture avec la vraie nature

Elle court, elle court la banlieue

Passée la ferme du Bel Ebat, le clocher d’une église médiévale annonce l’entrée de l’ancien Guyancourt. Endormies, abandonnées par les commerces, les maisons qui se resserrent le long de la petite ruelle de l’église ont le charme des vieux souvenirs et rappellent l’archétype de l’habitat traditionnel rassurant. Changement radical, le retour vers la gare s’aborde par une belle liaison verte séparant une mosaïque de  récents quartiers pavillonnaires.

Elle court, elle court la banlieue

Nous voici revenus au point de départ et à son agitation bruyante. Cette  nouvelle urbanité est déjà mise à mal car les dégradations se sont introduites jusqu’ici. Tags sur les murs, passages souterrains malodorants, voies piétonnes mal entretenues et surtout absence de commerces de proximité traduisent des imperfections visibles. L’attractivité de Paris ne s’est pas effacée. Les trains bondés du matin et les embouteillages rencontrés pour venir traduisent une permanence de la cohue des heures de pointe. La banlieue n’a pas encore fini de courir.

Elle court, elle court la banlieue

L’importance de la maison individuelle et l’appropriation du sentiment de vivre entre ville et campagne feront-elles oublier l’image de l’habitat plus conventionnel ? L’évolution a fait que Guyancourt est devenu une part de Saint-Quentin. Mais sur la longue échelle du temps,  de la ville nouvelle ou de l’ancien village, lequel des deux enterrera l’autre ?

Gare de Saint-Quentin-en-Yvelines, le Parc de Guyancourt, le bois des Roussières, les sources de la Bièvre, Bouviers, la route des Sangliers, l’étang du Moulin à Renard, le bois de Minières, le bois de la Grille, l’ancien centre de Guyancourt, le hameau de Troux, l’allée du Parc, la gare de Saint-Quentin

le Parcours

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