Je m'appelle Camille

Publié le par club rando

Trop intégrée à l’agglomération protéiforme de Cergy-Pontoise pour en être vraiment distinguée, le choix de  la localité d’Ennery n’avait éveillé qu’un aveu d’ignorance chez les 14 participants. C’est pourtant à partir de cet ancien village, que Joëlle, en charge du parcours, a trouvé le thème de cette sortie du dernier vendredi de mars. Si Van Gogh est associé pour l’éternité à Auvers-sur-Oise, le talent de Camille Pissarro s’est affirmé à un jet de pierre du point de rencontre. Pas vraiment pour révéler l’urbanité de Pontoise, car les champs, la terre et les bords de l’eau sont plutôt les sujets favoris du peintre. Il s’intéresse davantage aux images du monde rural et recherche les aspects les moins convenus du paysage.

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Il les peint là où il habite, au lieu-dit de l’Hermitage, un hameau resté agricole et blotti dans une minuscule vallée qui entaille le plateau d’Ennery. Dans ce cadre, il réalise ses tableaux les plus impressionnistes. Ici tout le séduit. Sa peinture s’éclaircit, il ne mélange plus mais juxtapose ses couleurs. Tous les matins, il sillonne les chemins pour reproduire la nature, la terre et les gens qui y travaillent.

Je m'appelle Camille

Comme le faisait régulièrement Pissarro qui notait toutes ses sensations, tout a commencé avec des petits feuillets. Les petits feuillets d’une admiratrice. Joëlle y a recueilli les moindres anecdotes de cette période. A partir d’Ennery, elle a imaginé de construire sa balade comme un spectacle. Débusquer l’artiste sur son lieu de travail, telle est la proposition qu’elle soumet à l’imaginaire de ses amis. La suivre dans l’espace, mais surtout dans le temps, pour retrouver le peintre jouer avec la palette de couleurs vives que lui offrirent coteaux et versants de ces bords de l’Oise. Rompant le cercle autour de la guide du jour, le groupe lui emboîte aussitôt le pas. On ne refuse pas ce que l’hôte vous offre.

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Quelques jolies ruelles serrées contre l’église, des pavillons à perte de vue, le village d’Ennery est resté un coin tranquille malgré sa poussée de croissance. Pour le quitter, il faut d’abord emprunter une route étroite, se faire frôler par quelques voitures inconscientes puis très vite dégringoler vers le Fond de Saint-Antoine par une piste boueuse.

Le temps est un peu frisquet et bien humide. Mains dans les poches, certains regrettent de ne pas avoir pris les gants. Allons, il faut s’endurcir, que diable !  La  petite pluie fine qui claquait doucement sur les anoraks vient de s’arrêter. L’humidité ambiante donne aux bois des airs mystérieux. Une lumière faiblarde arrive par intermittence à transpercer l’épaisseur des nuages qui cadenassent le ciel.

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Le quartier de l’Hermitage, c’est à pied comme le faisait le peintre, qu’on le découvre le mieux. De grands arbres masquent toujours la vue de Pontoise si proche.  Difficile de trouver une plaque indiquant la maison de Camille. Dans ce hameau, il en eut trois. Il n’hésitait pas à déménager en fonction des rentrées d’argent aléatoires car l’impressionnisme n’est pas encore un mode pictural bien accepté. Les plis du relief, les vallons verdoyants dont il s’est servi pour donner une représentation anti académique de la nature, sont toujours en place. De même que les nombreuses sentes, immortalisées dans ses œuvres majeures. Certaines grimpent fort et ajoutent de la perspective à la vue. Sur celle des Grattes Coqs, on a, juste un court moment, l’illusion furtive d’apercevoir la silhouette de l’artiste sortir du bout du chemin.

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Cent cinquante ans plus tard,  il manque cependant l’essentiel. La vie rurale a totalement disparu. Finis les cris des paysannes et maraîchers, ses nombreux modèles, qui résonnaient autrefois aux détours des routes. Les exploitations et les vergers n’existent plus, remplacés par des villas sans grâce particulière. Seule demeure la quiétude. Peu d’animation, peu de bruit sinon le chant de rares oiseaux. Le chemin du Chou dont Pissarro peignit les grottes est momentanément interrompu pour cause d’éboulement. Il faut le quitter puis le surplomber par la sente de la Côte Lézard qui ne demande qu’à s’évader vers l’infini. Mais happée plus loin par un bout de forêt, elle redescend, résignée, vers le hameau du Valhermeil pour rejoindre les rives de l’Oise.

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Une résidente pratique l’art du savoir-vivre sur les terrasses. Elle offre gentiment la sienne pour le déjeuner. En marchant sous la falaise qui mène vers le hameau de Chaponval, de jolies villas se protègent de la rue par des courettes aménagées comme des jardins japonais. Dans cette zone mal définie, entre ville et banlieue champêtre, les habitants semblent avoir pour unique occupation l’entretien de leurs coquettes maisons.

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Le retour par la crête de Saint-Nicolas s’avère plus facile que prévu. Bien que le groupe se déplace dans un environnement qui n’est ni ville ni campagne, le moindre champ procure la sensation d’une nature immortelle. Dans la montée finale de la vallée de Cléry, de vieux arbres viennent d’être abattus. Les fûts, couchés dans le désordre végétal d’un semblant de clairière, attendent patiemment l’enlèvement. Le parcours retrouve le haut du plateau où commencent les grands espaces ouverts du Vexin. Après ce dernier effort, récupérer le plat insuffle l’énergie suffisante pour atteindre les premières maisons d’Ennery. Un vent venu de l’ouest s’est levé et a stimulé la lumière. Le ciel se fait enfin bienveillant. L’arrivée est proche, on chemine le pas plus léger.

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Mais que sait-on vraiment de la vie et de l’œuvre de  Camille Pissarro ?  Quelques réponses ont été apportées au matin juste avant le départ de la balade. Bien trop courtes pour les résumer aisément. Annick a retenu un détail plus intime. Pissarro détestait la société bourgeoise qui l’a rejeté en tant qu’artiste avant-gardiste.

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 Les portraits le plus connus de lui le montrent en vieux sage indulgent. Il se réclamait pourtant de Proudhon et rêvait de construire une coopérative de peintres. En 1880, le souvenir de la Commune de Paris n’étant toujours pas éteint, il réalise un album de 28 dessins qui exprimait ses opinions. Intitulé "Turpitudes Sociales", il y caricature par des croquis violents la banque, la bourse et le capital, tout ce qui à ses yeux représentait la cruauté du monde de l’argent.

C’est peut-être en pensant à lui que les "zadistes" s’appellent tous Camille lorsqu’on les interroge. Dans ces Zones à défendre, ce prénom unisexe est la seule identité déclinée devant  les micros et caméras. Cherchant à éviter toute personnalisation, tous ces nouveaux Camille militants s’expriment au nom du collectif. Elégante usurpation pour masquer, quand même, un déni d’individualité !

Je m'appelle Camille

Ennery (95300) route d’Osny, chemin du Bois-Doucet, Vallon Saint-Antoine, sentier de l’Hermitage, chemin du Bois-Payen, chemin des Mathurins, le quartier de l’Hermitage, sente du Chou, sente de la Côte Lézard, chemin des Martinets, le Valhermeil, rue des Roches, Chaponval, chemin des Chérielles, chemin des Glaisses et du Gobelin, chemin de la Vallée de Cléry, Ennery.

le Parcours

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