la Cour, la famille et le bon plaisir

Publié le par club rando

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On pensait que ce n’était encore qu’un projet mais les palissades vertes qui barrent la grande allée de la terrasse de Saint-Germain-en-Laye démontrent que c’est devenu une certitude. Fabienne, qui ne réside pas très loin, partage ses informations. Elle précise aux 20 compagnons venus la rejoindre, que la pose des rails du futur tram est déjà lancée sur l’Avenue des Loges. Dans un an, cette nouvelle voie rejoindra l’ancienne gare de Grande Ceinture afin de boucler la liaison ferroviaire qui reliera le Rer A (Saint-Germain) au Rer C (Saint-Cyr-l’Ecole).

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Mais en ce premier vendredi de novembre, c’est bien à pied que tous les participants envisagent le grand contournement de la localité. En longeant la ville, certes, mais dans un corridor de verdure puisque à Saint-Germain l’emprise du végétal s’exerce autant sur la forêt limitrophe que sur sa couronne résidentielle, réputée bien privilégiée. Avec la complicité du changement d’heure, l’automne a repris sa place et envoyé aux oubliettes les prolongements tardifs de l’été. De nombreuses vagues de pluies sont déjà venues mouiller les sols et les bouts de chaussures. Ce matin, dans l’allée du Pavillon Chinois qui ouvre la marche sous le soleil miraculeusement retrouvé, quelques plaques résiduelles de boue accueillent en réceptacle les feuilles tombées à terre. Passé le lycée agricole, la ville s’efface totalement et c’est tout l’univers de la forêt de Marly qui se dessine devant les yeux.

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De nombreux sentiers y partent en étoile. Ces layes sont à l’origine du nom. Gallo-romains et Mérovingiens s’étaient autrefois établis en contrebas, près du ru de Buzot. Robert le Pieux, deuxième roi capétien, vient chasser dans cette contrée forestière. Juste avant l’An Mil, il ordonne la construction d’un monastère en l’honneur de Saint-Germain. Ce nouveau village consacré au Saint naît au milieu des trouées et des chemins forestiers. Le ru existe toujours, en partie enterré. Il fut longtemps l’unique point d’alimentation de la ville et, dit-on, la "première eau minérale" royale. En contrebas du secteur d’Hennemont, la zone du bois de la Vente s’annonce comme une vaste friche boisée. Pas d’ordonnancement, pas de tracé soigneux, des sentiers incertains. On se lance cependant avec autant de plaisir que d’appréhension dans cette section peu maîtrisée.

la Cour, la famille et le bon plaisir
la Cour, la famille et le bon plaisir
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Ce vestibule anarchique permet pourtant de se glisser dans le véritable couvert forestier. On pénètre dans la forêt comme on entre en confession. Elle se ressent comme chemin idéal de réconciliation avec la nature. Fréquentée par toutes sortes d’individus, elle offre aux marcheurs une diversité de terrains d’exercice, aux rêveurs un refuge pour l’imaginaire et aux angoissés climatiques le meilleur des régulateurs thermiques. Fortifié par tant de générosité, le groupe suit avec confiance une ligne d’arbres qui dressent leurs fûts avec rectitude. Au sol, le piétinement nocturne de sangliers a creusé des sillons et plié les fourrés.

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L’itinéraire choisi fait traverser la forêt à rebours. Un grand chêne, aux branches aussi grosses qu’un tronc, s’élève en haut d’un talus. Il sert de repère de direction dans ce trajet de maraude. A l’approche de L’Etang-la-Ville, un mur à demi effondré marque la limite de ce châle de chlorophylle. La commune occupe les versants d’un vallon où courraient autrefois des vergers. Un entrelacs de villas enfouies dans la verdure a pris leur place et donne à l’habitat un agréable cachet d’homogénéité. Pour remonter vers Marly-le-Roi, la topographie va demander plus d’exigence aux muscles des jambes. On file tout droit en empruntant des escaliers de plein air qui s’infiltrent dans le cœur du village originel. 

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Devant une maison en meulière, les bambous se sont multipliés en avançant vers les murs. Cet empiètement ne dissimule qu’une volonté insidieuse de s‘accaparer en douce de l’espace. Il doit faire bon flâner dans le vieux village de Marly que négligent les marcheurs, attirés seulement par son parc. Ce dernier porte la nostalgie de son ancienne grandeur. Sous sa large pelouse, des tuyaux courent depuis des siècles. Pompés dans l’eau de la Seine, des milliers de mètres cube montaient auparavant jusqu’à Marly et Versailles par des aqueducs et des souterrains. Louis XIV avait bâti ici un château intime, doté d’une grande cascade et d’une réserve de chasse à deux galops de cheval. Conçu comme un château-jardin, le Roi-Soleil y invite ceux qu’il choisit. La fonction de ses trois palais se résumait ainsi : "Versailles pour la Cour, Trianon pour la famille et Marly pour le bon plaisir".

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De son côté Grand Siècle, il ne reste plus rien et les chevaux de l’abreuvoir ne sont que des copies. Dans ce parc fantôme, le temps a balayé les traces du château et de sa cascade pour ne laisser subsister que la seule émotion d’une promenade dans le passé.

Le manoir du Cœur-Volant lui succède. Il n’a presque pas bougé depuis l’époque où il abrita en 1953 le retour d’exil du Comte de Paris et sa nombreuse descendance. Convaincu des chances d’une restauration, le Comte y déploya une action politique jusqu’à ce que la question algérienne le vit se ranger derrière le Général de Gaulle. Pour l’instant, l’horaire qui s’avance n’incite les marcheurs qu’à refaire à l’inverse le chemin de l’eau puisée dans la Seine.

Henri d'Orléans, Comte de Paris et sa famille

Henri d'Orléans, Comte de Paris et sa famille

En dévalant la pente, la vue se dégage sur l’Ouest parisien et La Défense qui laisse miroiter ses éclats de verre et d’acier. Entre le Port-Marly et le pont du Pecq, c‘est sûrement la boucle du fleuve qui a contribué à préserver le paysage aux endroits même où les impressionnistes Sisley et Pissarro posaient leur chevalet. Les peintres ont été remplacés par des péniches amarrées le long du quai. Regard porté sur le flot, leurs heureux occupants profitent bien égoïstement de l’espace quasi maritime que procure ce type "d’urbanité flottante". Au loin, un Rer traverse la Seine et amorce une jolie courbe avant de s’enfoncer dans l’épaisseur du coteau de Saint-Germain. Les heures de novembre poussent vite vers le soir. A l’aplomb du cimetière, il ne reste plus qu’à grimper l’ultime pente du glacis. Sur la terrasse, un soleil roux d’automne câline les grandes allées.

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Dans le cimetière du Pecq, bien visible de l’extérieur, un monument gigantesque prend ses aises avec les humbles tombes qui l’entourent. Il y a 130 ans, une riche famille hollandaise se fit construire un mausolée sous la forme d’une réplique exacte de l’église de la Madeleine. Pourquoi avoir choisi d’étaler une telle différence ?  Dans ce genre d’endroit, les jalousies entre voisins sont pourtant peu courantes. Les lieux ferment à 18 heures et l’on n’y recense aucune manifestation ni sortie nocturne de résidents. La mort présente cependant une grande différence avec la vie, elle s‘entend pour la perpétuité. Pourrait-on admettre que certains, plus avisés, l’envisagent alors avec le maximum d’aisance et de confort ? 

Ce débat, en tous cas, est loin d’être enterré !

le cimetière du Pecq et son mausolée monumental

le cimetière du Pecq et son mausolée monumental

Le Parcours

Le Château de St-Germain-en-Laye(78100), route du Pavillon Chinois, le Parc de  la Charmeraie, la gare de la Grande Ceinture, la porte d’Hennemont par le chemin extérieur du cimetière, le Lycée Agricole, le Bois de la Vente, l’Etoile de Montaigu, l’Etoile du Loup, L’Etoile Magnifique, le mur d’enceinte de L’Etang-la-Ville, le chemin des Boulins, l’église de L’Etang-la-Ville, les escaliers de la rue Guinard, le chemin sous le cimetière de Marly-le-Roi, l’église Saint Vigor, le parc de Marly, le hameau du Cœur-Volant, le chemin de Prunay, le Port-Marly, Le Pecq par l’ancien chemin de halage, le pont du Pecq, le chemin de la Colonie Pescheux, le chemin du dessous des Deslouets, les escaliers du Pavillon Henri IV,  la terrasse de Saint-Germain.

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