Le tout numérique progresse à Enghien

Publié le par club rando

En feuilletant un exemplaire du bulletin municipal trouvé sur le comptoir de la gare, un titre attira particulièrement son attention : Le tout numérique progresse à Enghien. Ce n’est pas qu’Annick doutait des avancées technologiques de cette localité, mais derrière les mots de cette phrase elle reconnut un alexandrin. Elle sourit intérieurement, appréciant la capacité de cette forme lexicale d’aligner en catimini ses douze syllabes là où on ne les attend pas. Les alexandrins cachés foisonnent. Il suffit de feuilleter la presse ou de regarder les médias. Citons au hasard deux exemples, l’un relevé dans le titre d’un quotidien : A Hong Kong la Chine monte la pression,  l’autre présenté comme thème d’un débat télévisé : Loin de marquer le pas, les gilets toujours là. L’alexandrin, souvent coupé à l’hémistiche, se fait parfois porter par le rythme d’une chanson, comme ce couplet très connu de Barbara : Dis, quand reviendras-tu, dis, au moins le sais-tu. Enfin, qui n’a pas en mémoire la scansion versifiée en douze pieds du fameux slogan publicitaire : Des pâtes, des pâtes, oui mais des Panzani.

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C’est devant le Casino qu’Annick a rejoint le groupe des 15 participants. Bien évidemment, elle n’est pas venue à Enghien pour chasser l’alexandrin mais pour découvrir la ville et son lac. Le parisien court souvent le monde mais néglige de connaître son immédiat. A l’étranger, il passe trois jours en train pour débarquer dans des villes au nom imprononçable. Chez lui, il découvre par hasard que dix minutes suffisent pour gagner Enghien. Et pourtant, c’est quelquefois au pas de sa porte que commence le voyage 

Le tout numérique progresse à Enghien

De cette ville si proche de Paris, on n’a pas une image très claire. II convient de la rafraîchir un peu. Enghien-les-Bains fait référence à la ville d’Enghien en Belgique (ou Edingen) dans la province du Hainaut. Elle appartenait aux Princes de Condé depuis le seizième siècle. Sous Louis XV, les princes voulurent s’en dessaisir tout en conservant leur titre de Duc. Ils  rebaptisèrent alors du nom d’Enghien une de leurs possessions, le territoire de Montmorency, ville, terres, et étang limitrophe. Après la révolution française, tout rentre dans l’ordre et  Montmorency reprend sa dénomination d’origine. Mais on conserva le nom d’Enghien à la zone lacustre. La ville proprement dite naquit officiellement en 1850, englobant juste cette bordure d’étang où s’était développée une station thermale depuis une cinquantaine d’années. Par la suite, les cures, les divertissements qui les accompagnent et la beauté du lac feront d’Enghien une aire propice aux investissements de spéculateurs. Sa situation particulière, thermale et suburbaine, crée un nouveau mode de vie, hors des contraintes et des conventions d’une ville traditionnelle. Les architectes vont prendre du plaisir à exprimer leur talent. Au fil du temps et des styles (romantique, néo-gothique, art nouveau et art-déco),  ils imaginent des villas éclectiques où le pittoresque prend la part belle. Un centre urbain se structure par des équipements inspirés de styles architecturaux successifs (établissement de bains, casino, gare, hôtels, immeubles de rapport, lieux de culte). L’ensemble assure le prestige d’Enghien qui se distingue par son originalité.

Le tout numérique progresse à Enghien

Regard fixé sur le lac, les randonneurs profitent de cet instant de la matinée, à l’heure où le soleil se décide à entamer sa course quotidienne. Puis la balade commence à contrejour, en s’enfonçant de la grande rue commerçante vers le quartier d’Ormesson. Ils pensaient que cela serait plutôt chic et les premiers pas le confirment. Un immeuble remarquable impose qu’on lève les yeux. Il a singularisé ses façades d’un empilement de colonnes corinthiennes. On vient le voir, paraît-il, du monde entier.

Le tout numérique progresse à Enghien

 Il domine les maisons voisines. Et quelles maisons ! On y admire, parées de pierres en meulière, des centenaires toujours bien conservées. D’autres plus jeunes, dans un style "bord de mer" soufflent un petit air côtier sur ce coin si sagement résidentiel. Dans ces rues tranquilles, la circulation évanouie permet de slalomer sans crainte d’un trottoir à l’autre. Cela ne plaît guère à deux femmes élégantes en vélo qui affichent un peu trop ostensiblement leur désir d’occuper à elles seules la chaussée. De minuscules boyaux noyés dans la verdure assurent le retour vers l’établissement thermal.

Le tout numérique progresse à Enghien

Commence alors le tour du lac. Sur l’onde, un rassemblement de canards s’ébroue sous des saules et oblige les cormorans à s’exiler sur des plots à demi immergés. Il laisse à quelques poules d’eau la liberté d’explorer le fond sous-marin.

Le tout numérique progresse à Enghien

Au fil des années, des villas au style très varié (brique à tuiles vernissées, baroque, néo-gothique, chalet normand à pans de bois) ont été bâties en bordure du lac pour une élite de villégiateurs qui s’installent peu à peu.

Le tout numérique progresse à Enghien

Comme son nom l’indique, le boulevard de Ceinture quitte le centre-ville pour assurer la mission qui lui est assigné. En le suivant, de jolies demeures tentent de faire oublier que leur plus belle façade se trouve de l’autre côté et profite égoïstement du panorama. Un nouvel arrivant peu averti pourrait renoncer d’aller plus loin mais s’il continue, sa ténacité sera récompensée. La voie a son secret, son appendice caché. Au jardin de la presqu’île-aux-fleurs, elle offre une issue sur le lac. Les marcheurs y foulent la douceur d’un gazon onctueux en regardant la ligne de la forêt de Montmorency, posée à l’horizon comme un édredon.  

Le tout numérique progresse à Enghien

Sur la rive opposée, l’arrivée de quelques retraités devant la Maison Associative trouble la quiétude des lieux. Il fait bon sous le soleil et les pas ralentissent. Cette section du  boulevard circulaire mélange deux époques différentes. Aux anciens manoirs et chalets délicieusement sophistiqués s’ajoute la rigueur d’immeubles contemporains tournant le dos au lac.

Le tout numérique progresse à Enghien

En retrouvant le secteur de la gare, l’heure a dépassé la moitié du cadran, de quoi donner des envies d’une pause et d’un repas chaud.

Le tout numérique progresse à Enghien

Au restaurant San Paolo, à côté de l’église, l’Italie est partout, en salle, sur les murs et dans les assiettes. Son chaleureux patron l’assure, à défaut d’être duc (d’Enghien), chez lui, le client est roi. Mais les efforts du restaurateur pour valoriser les spécialités de la carte sont restés vains. Il s’incline devant la modicité du menu choisi par le groupe. Son stoïcisme dépasse l’enjeu financier. Mais toute générosité à sa limite. Il lui reste à abattre sa dernière carte maîtresse. S’adressant alors à la frange masculine, jugée beaucoup plus friable, le voilà qu’il déclare sur le ton de la confidence : Je vous ai mis trois pots de beaujolais nouveau. L’initiative, bien que forcée, est accueillie dans l’allégresse.

Seule, Annick remarqua que cette annonce était aussi un parfait alexandrin.

Le Parcours

Le casino d’Enghien-les-bains(95880), la Mairie, l’Eglise Saint Joseph, la Place de Verdun, le Palais Condé, le parc Sainte Jeanne, les ruelles d’Ormesson, la Synagogue, l’établissement thermal, l’esplanade Patenôtre-Desnoyers, le tour du lac par le boulevard de Ceinture et le bassin de l’Ouest, l’espace Villemessant, la passerelle de la gare, la rue du Départ, les galeries de Lora, la rue du Cardinal Mercier.

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F
Mon cher ami François, je veux te remercier<br /> Pour ton tout dernier blog, vraiment très bien tourné !
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