La promesse de l'Aube

Publié le par club rando

Dans la garde-robe du vocabulaire, le mot "champagne" enfile toujours son costume unisexe. Épicène, il ne désigne pas la même chose selon qu’on l’emploie au masculin et au féminin. Mais on ignore surtout l’étendue du territoire recouvert par ce mot. Longtemps restée dans l’ombre du département de la Marne, l’Aube affirme, nombreux crus à l’appui, qu’elle ne mérite plus la dénomination de "champagne du pauvre" et que Troyes est bien mieux qu’une banlieue éloignée de Reims. Un slogan touristique promet d’ailleurs que "l’Aube sait tenir son rang, et pas seulement de vignes !". Et recommande aux visiteurs de venir le vérifier quelle que soit la saison.

clique pour agrandir les photos

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Le gros du bataillon aubois étend son vignoble sur des sols marneux de la Côte des Bar.  Seule exception notable, la butte de Montgueux, du haut de ses 200 mètres, aligne ses ceps sur un substrat crayeux propice au chardonnay. C’est par ce village viticole qu’on a choisi de commencer le séjour. A une volée de moineaux de Troyes, on y vient généralement pour profiter à son sommet du spectacle que la plaine ne peut offrir. L’après-midi aurait dû être lumineuse, mais pour cause de gelées nocturnes, un brouillard mesquin a décidé de confisquer le soleil. Refusant obstinément de se lever, il refroidit l’atmosphère et estompe la vision. Les 26 participants ressentent sa présence comme la première offensive de l’hiver. Le village est désert et relativement austère, comme si ses maisons tenaient à cacher l’aisance procurée par le pétillant breuvage. Du cimetière, on bascule de suite vers la pente envahie par un océan de vignes qui s’approche par le haut. Crucifiés sur leur palissade, les ceps décharnés ont commencé leur long engourdissement hivernal. On sait bien qu’ils ressusciteront plus tard, au printemps.

La promesse de l'Aube

Une controverse affecte l’endroit. Des historiens prétendent qu’il pourrait être le site de la bataille des "Champs Catalauniques" où Attila, le fléau de Dieu, aurait été vaincu par les légions romaines et wisigothes. Le combat fut sanglant et les pertes humaines élevées. Entreprendre des fouilles permettrait de vérifier ou d’infirmer cette hypothèse. Mais, ici, elle embarrasse plus qu’elle n’intéresse. Personne ne cherche vraiment à se soucier de la vérité historique. Pourquoi retourner tout ce beau territoire viticole pour une histoire incertaine dont personne ne veut ! Sous les pas des marcheurs reposeraient, enfouis dans les racines de vigne, quelques ossements de Huns ou de soldats romains. Et ne seraient-ils pas, après tout, le composant secret de la typicité de ce terroir en "blanc de blanc" au goût, affirme-t-on, si personnalisé ?

Attila, le fléau de Dieu

Attila, le fléau de Dieu

L’interrogation suscite au moins l’envie d’aller l’apprécier. Pour cela, il convient de regagner doucement le village par le plateau opposé.  A l’orée d’un bois gardé par des chasseurs transis mais complaisants, l’air humide et le froid ont totalement enveloppé les futaies. Les pluies constantes de novembre dernier ont transformé les chemins en aspirateur à chaussures. Il faut louvoyer pour trouver le passage le plus ferme. Le voile léger du brouillard se déchire quelques courts instants. On devine que le soleil décline. Tout est prêt pour attendre le soir qui s’annonce. Il tombe lentement, sans se hâter.

La promesse de l'Aube

On rêverait tous un jour d’habiter une des anciennes maisons à pan de bois qui habillent les rues du centre-ville de Troyes. Car comment parler de l’Aube sans visiter son chef-lieu. On ne sait pas grande chose de cette ville, pourtant bien proche de Paris. Pour beaucoup, son image est seulement associée à son maire à la belle voix chaude, à ses magasins d’usine et à sa fameuse andouillette qui a quintuplé sa cotation dans les agences de notation. Or qui s’aventure dans ses rues anciennes est frappé par l’extraordinaire profusion d’édifices remarquables. Ils ont été, par chance, épargnés des bombardements des deux guerres mondiales. Le contour du centre historique a la forme d’un bouchon de champagne. Evoquer ici une bouteille est bien logique puisqu’en Champagne le contenant fait aussi partie de la vie du vin et contribue à la légende.  

le centre de Troyes, le bouchon de champagne

le centre de Troyes, le bouchon de champagne

Pour la visite, le groupe a confié ses intérêts à une guide assermentée. Dans les rues médiévales, les étages des maisons s’avancent sur la rue, l’espace entre les demeures se faisant face pouvant être franchi en un saut de chat. Cette particularité a donné son nom à la ruelle la plus étroite et la plus célèbre de la ville.

la ruelle aux chats

la ruelle aux chats

Le patrimoine religieux est partout remarquable. La cathédrale gothique s’enorgueillit de ses verrières historiées et la patiente restauration de l’église Sainte-Madeleine a permis la préservation, de fil en aiguille, de son jubé en dentelle de pierre.

la cathédrale gothique

la cathédrale gothique

La ville a commencé la rénovation de l’habitat dans les années 1960, redonnant principalement vie aux commerces et à l’animation. Masqués auparavant par des crépis grisâtres, ce n’est que très récemment que les colombages se sont retrouvés au grand air. Après la seconde guerre, Troyes était si délabré que les quartiers les plus miséreux furent rasés jusqu’à ce qu’une association impose d’épargner le cœur central afin de le réhabiliter. Jusqu’alors, dans les représentations troyennes, une maison à pan de bois était synonyme de taudis. À partir des années 1990, la mode du retour au centre-ville et le charme retrouvé de l’ancien incitent les particuliers à investir davantage ce champ immobilier. Et cette fois-ci, ceux-ci restaurent les maisons rescapées pour les habiter eux-mêmes, en y ajoutant quelquefois la magie de la couleur. Au fond de cours minuscules, beaucoup de chats, dit-on, continuent d’y dormir en paix.

La promesse de l'Aube

Il est toujours amusant de happer sur le trottoir des phrases qui ne nous concernent pas. Tout près de la tour de l’Orfèvre, entourant leur maîtresse, une quinzaine d’écoliers s’efforce de décrypter une expression cachée dans un jeu de piste urbain. Martine, amusée, leur souffle la réponse. "Tenir le haut du pavé".  Au Moyen-Age, et dans Troyes, le caniveau central faisait office d’égout. Il convenait de l’éviter et de laisser, selon les convenances de l’époque, la partie la plus élevée de la rue aux personnes de bonne condition sociale. Les enfants, ravis de cette complicité, remercient gentiment puis s’ébrouent en courant dans les rues adjacentes. On entend longtemps leurs cris et leurs rires traduire que les jeunes et les moins jeunes ont toute leur place ici.

origine de l'expression "Tenir le haut du pavé"

origine de l'expression "Tenir le haut du pavé"

Faute de colline, c’est depuis la terrasse de la capitainerie que se découvre le lac de la forêt d’Orient. Partiellement vidé, il n’occupe qu’une partie de l’espace. Ce vendredi matin, le ciel est dégagé et l’aube frémissante a promis le soutien du soleil, au moins pour la matinée. A droite, la forêt s’étire à l’infini, à gauche, des voiliers amarrés dans le port invitent au voyage. Il est encore un peu tôt pour faire un tour dans les bois, mais tant pis, la rosée mouillera les chaussures. Le chemin emprunté débouche très vite sur une anse intérieure que l’eau, en se retirant, a laissé recouverte d’une végétation pelucheuse aux verts dégradés.

 

La promesse de l'Aube

Comme elle semble loin la base nautique de l’été et l’idée de baignade ! On resterait là des heures à regarder cette précieuse mousse amande en se disant que, plus tard,  le lac reviendra tout effacer.

le lac de la forêt d'Orient

le lac de la forêt d'Orient

Le séjour

La prestation hôtelière a été confiée à l’établissement Paris Bâle à Montieramey(10270)

Jeudi 5 décembre 

Après-midi : Montgueux(10300). Circuit du vignoble et retour par le bois brulé, le plateau de Mesnil Vallon, les chemins de Montechat et de la fosse Mathieu

Vendredi 6 décembre

En matinée : Mesnil-Saint-Père(10140) la base nautique et l’anse du bois Foucaut

L’après-midi : Troyes(10000)  visite du «bouchon de champagne»

 

 

 

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