la Vallée du Sausseron

Publié le par club rando

Une vieille demeure en surplomb de la grande rue principale qui traverse le village de Valmondois, l’apparence d’une maison bien entretenue malgré des volets clos. C’est ici qu’en 1940, deux familles bourgeoises se réunissent pour préparer les prochaines fiançailles de leur enfant respectif, Marie-Louise et François. Les deux promis se sont rencontrés un peu plus tôt au bal de l’Ecole Normale. François écrira deux mille lettres à la jeune fille qui en plus de receler un talent épistolaire témoignent aussi d’une grande ambition. «Je veux tendre vers une plus belle réalisation de moi-même» lui annonce-t-il. Conquise d’abord par son intelligence mais aussi écrasée par la passion de François puis séparés par la guerre, Marie-Louise Terrasse qui se fera appeler plus tard Catherine Langeais hésite puis recule. Les fiançailles seront rompues. Il y avait du classicisme dans le style de François Mitterrand qui sortira meurtri de cet échec sentimental, révélant autant un homme éconduit qu’une belle plume en devenir. Les deux anciens amoureux se retrouveront cinquante-six ans plus tard à l’occasion de la remise de la légion d’honneur à la célèbre speakerine par le Président de la République.

la Vallée du Sausseron

Marie-Louise ne quitta pas vraiment ce village puisqu’elle le choisit comme dernière demeure, accompagnée par son époux Pierre Sabbagh, un couple qui aura marqué la télévision. Dans ce minuscule cimetière de campagne, les personnalités se bousculent. On y recense aussi l’académicien Georges Duhamel et le grammairien Louis Nicolas Bescherelle qui n’arrête pas de faire monter la pression aux élèves de l’école communale, fatigués par ce parrainage dont ils se seraient bien passés. Mais il est surtout une autre ombre historique qui plane sur le village, celle du caricaturiste Honoré Daumier. C’est en venant y rejoindre ses meilleurs amis qu’il tombe sous le charme de Valmondois et la beauté du site. Il y loue une maison pour y passer les beaux jours jusqu’à sa mort en 1879. Daumier n’était pas riche. Si l’encre de ses dessins était lourde, sa bourse resta bien peu épaisse. Né à notre époque, il aurait sans doute fait carrière dans la presse ou collaboré à des émissions satiriques en vogue. L’aisance obtenue l’aurait au moins rendu propriétaire de sa maison.

Une vraie journée de printemps ! Le beau temps, après trois semaines pluvieuses, a décidé de reprendre l’offensive. Ce matin, Valmondois dans sa coque de fraîcheur se noie déjà dans le ciel bleu. On sait à l’avance que le soleil gagnera de l’opulence et que les pluies des jours passés vont contribuer à allumer le vert de la campagne. L’air tamponne de quelques gouttes de rosée son teint matinal et le village n’émet que le son d’une lointaine pétarade de tondeuse à gazon.

la Vallée du Sausseron
la Vallée du Sausseron

Sur le perron de l’église, le buste de Daumier marque le début de la balade. Reste à comprendre l’incompréhensible. Comment dans un environnement baigné de tant de douceur, sa main a-t-elle pu être aussi féroce pour dénoncer les vicissitudes humaines ?

la Vallée du Sausseron

Sac sur le dos, les seize marcheurs ne sont pas spécialement venus pour remettre les oubliés de l’histoire au regard du présent mais bien pour profiter d’un périple flâneur dans ce qui s’annonce l’un des plus beaux coins du Val d’Oise. Ils perçoivent déjà que la vallée du Sausseron, avec ses méandres finaux noyés sous un tunnel de verdure, va offrir le plus beau des chemins d’eau. Blottis dans un épais écrin de végétation, les lieux donnent de suite le sentiment d'une nature ayant récupéré tous ses droits sur l’emprise humaine. Mais pas question au départ de prolonger la grasse matinée dans le lit de la rivière. On réservera ce soyeux ébat pour la fin, au retour de Nesle.

la Vallée du Sausseron

L’itinéraire programmé propose davantage de perspective. Il a pris la peine de se tenir à l’écart de la grande plaine à blé monotone dont le rendement poussé à l’extrême finira bien un jour par épuiser les racines. Une bonne coulée d’air s’avère utile avant de s’enfoncer dans la forêt de Verville. Des senteurs mystérieuses, exaltées par la chaleur retrouvée et l’humidité des  pluies récentes, émanent du bois. Quelques fleurs mauves ou blanches se sont posées, telles des papillons, au pied des arbres. Ce matin, c’est l’euphorie végétale. Bourrée de stéroïdes procurés à haute dose par la piqûre du printemps, la nature s’est mise à rêver de tropiques exubérants et d’expansion sans contrôle. On ne lui a pas encore appris que dans nos régions tempérées les excès se maîtrisent. Les feuilles si vertes et si confiantes sur le futur sont loin d’imaginer qu’elles sont condamnées à mourir par apoptose, ce suicide cellulaire qui les conduira à la fin de l’automne à joncher misérablement le sol. Pour l’instant, trop heureuses de pousser dans l’insouciance de leur nouvelle grandeur, les futaies préfèrent croire que ce qui n’existe pas encore n’existera jamais.

la Vallée du Sausseron

L’actualité fonctionne comme une usine d’évacuation des déchets. L’enchaînement inlassable des évènements donne le tournis, c’est à peine si l’on se souvient de ceux de la veille. Sur le front du Covid, on a conscience que pour le moment cela va mieux, mais subsiste-t-il encore des contraintes ou est-ce la liberté retrouvée ? On se montrera sage, le contingentement par six passé aux oubliettes, on apprend à se reformer docilement en dizaine. Aujourd’hui Alexandre est venu accompagner sa maman. Un zeste d’admiration, une pincée de connivence et beaucoup d’encouragements, on les sent heureux d’assumer leur complicité.

la Vallée du Sausseron

Des revenantes ont repris du service. Elles ont fait l’amitié d’apporter leur gaieté et la bonté de masquer leur fatigue. Elles savent qu’il leur faudra un peu de temps pour que lentement sur les chemins tout le mauvais se dissolve. La marche est un bon bouillon, elle allonge la volonté, hydrate la pensée et dégraisse le corps.  

Vers quatorze heures, le soleil brille plus fort et favorise une température conforme aux canons de la saison. Le moment est propice puisque se profile l’entrée dans la vallée du Sausseron et sa promesse de fraîcheur. L’ombre opportune et son vert apaisant offrent l’accalmie. Il y fait bon et doux, avec dans les oreilles, les triades des rossignols. Le chant bien rythmé des bergeronnettes leur répond. Entre eux, les esprits s’échauffent et le ton monte un peu. Les «claque du bec» finissent par prendre l’ensemble des frondaisons pour tribune.  

la Vallée du Sausseron

Le cheminement se termine par une route tranquille qui épouse le coteau de la rive d’en face. En longeant les premières maisons de Valmondois, on essaie de happer un peu de l’intimité de ceux qui y vivent car bien sûr il y a des gens qui habitent l’endroit. Cela semble même une faveur princière, un luxe fou surtout quand vient l’été et qu’arrivent les beaux jours. Un rouge est joliment décliné un peu partout, celui des géraniums égayant le rebord des fenêtres. On a envie d’en savoir plus, de risquer un regard appuyé.

la Vallée du Sausseron

De l’autre côté de la rue, deux petites filles reviennent de l’école, impatientes de rentrer à la maison où les attend le goûter. On ressent l’odeur de la brioche au chocolat, on devine l’ouverture fébrile du paquet de barquettes aux fraises. On les regarde s’éloigner avec l’innocence de l’enfance.

 

Le Parcours

Vendredi 28 mai

Valmondois(95760), la côte d’Orgivaux, le chemin de Pontoise, le bois de Verville, Verville, la croix des friches, camping le Grand Paris, la côte des belles vues,  le chemin de Rochefort, Nesles-la-Vallée, l’ancienne voie ferrée du Sausseron, le Carrouge, Valmondois

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B
bravo à tous, je découvre votre revue grace à mon amie Annick, un régal !! à bientôt
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