Sous les ailes des milans

Publié le par club rando

Un document affirme que Louis VI le Gros, cinquième roi de la dynastie capétienne, se régala du « fromage gras » de Bethmale à l’occasion de son passage à Castillon-en-Couserans. Un détail historique qui atteste l’existence d’une longue tradition fromagère dans cette contrée occidentale de l’Ariège. Encore de nos jours, les « Moulis, Bethmale ou Calabasse », dont l’appellation est tirée de la vallée où ils sont produits, surprennent par leur goût touristes et estivants. Et tout autant les six visiteurs venus dénicher entre Comminges et Couserans la chapelle intéressante, la fleur rare, le village perdu ou mieux, la maison d’hôte accueillante.

Sous les ailes des milans

Se présentent dans ce piémont forestier des Pyrénées Haut-Garonnaises et Ariégeoises toutes les conditions idéales pour une itinérance en moyenne montagne à faire entre amis et de préférence par beau temps. Celui-ci n’est malheureusement pas garanti. Les cimes aiment quelquefois à revêtir des capuches humides. Rien d’étonnant qu’avec de tels habits, le vert domine. L’hygrométrie monte, les taons s’énervent, agacent les bêtes ou piquent les mollets. Pour cause de temps orageux, les massifs des monts Valier et Maubermé, enrhumés par un air bien humide, s’étaient enroulés d’un cache-col nuageux. Le ciel était bouché mais pas vide, de nombreux milans et autres petits rapaces tenaient l’espace. Au bout des sept jours de balade, croiser ces oiseaux relevait de l’ordinaire. Et de l’exemple à suivre. Faisant du sur place ou plongeant en piqué, ils ne se fatiguaient jamais.

Sous les ailes des milans

Au départ à la sortie de Montréjeau, un panneau souhaitait la bienvenue : « Vous êtes dans les pas de Saint-Jacques ». D’autres fleurissaient un peu partout pour inciter le pèlerin à faire étape. N’étant pas Jacquaires, on se sentit un peu faussaires puisque le parcours s’immisçait en partie dans le trajet du « Camino », mais à contresens. L’itinéraire prévoyait cependant la visite de deux joyaux spirituels, Saint-Bertrand-de-Comminges et Saint-Lizier, qui en signeraient l’entrée et la sortie. Les omettre ou y  passer en coup de vent aurait été pur sacrilège. Pendant toute une semaine la vie des randonneurs tiendra dans leur sac à dos. Mais il n’y aura que l’inquiétude de la pluie qui pèsera sur leurs épaules.

Sous les ailes des milans

C’est une première grimpette qui donne le signal du départ. Du haut de sa butte, Saint-Bertrand-de-Comminges paraît sorti tout droit du Moyen-Age. Ce fut  pourtant auparavant une cité romaine, forte de plusieurs milliers d’âmes. Ne subsistent aujourd’hui que les ruines à l’abandon de ses thermes. Découvrir le site est un enchantement. Des rues pavées, de belles maisons mêlant briques rouges, galets de Garonne et pans de bois ainsi qu’un clocher aux airs de donjon aimantent les photos. Un tour dans le cloître suffit à comprendre le poids du passé. La recommandation de visiter l’église voisine de Valcabrère incite à poursuivre et s’enfoncer véritablement dans le Comminges.

Sous les ailes des milans

En traçant la route on s’aperçoit que plusieurs villages portent le nom de cette ancienne province. Nombreux mais éloignés les uns des autres, vouloir les rejoindre serait mal aisé. En choisir un serait une bonne manière d’appréhender ce pays de traditions. L’élu du sort s’appelle Sauveterre-de-Comminges. Le décor pour l’atteindre est plaisant : des collines boisées parfaitement arrondies, de belles prairies et des cyprès pour marquer les kilomètres. Le village éclaté en hameaux se campe au pied de sa vieille tour féodale. Malgré son joli nom, il témoigne d'une ruralité un brin figée. Comme ceux qui vont lui succéder, il affiche un manque d’animation qui serait la marque de la déshérence de cette partie de la Haute-Garonne, en perte de population. Les résidents apprécient de manière différente cet isolement mais tiennent tous à faire honneur aux hôtes de passage. Les gîtes de Sauveterre et de Juzet-d’Isaut sont des endroits où il fait bon passer la nuit. Un dernier adieu à la tour ancestrale et le sentier s’échappe vers le col des Ares et le pied du Cagire, éminence de près de 2 000 mètres séparant le Comminges du Couserans. Sous l’effet des premières hauteurs, l’herbe semble plus verte qu’avant tandis que les bois s’épaississent, accueillant des châtaigniers remarquables et visiblement en bonne forme.

Sous les ailes des milans

Les rêves tranquilles de la nuit n’empêchent pas le déluge. La pluie déboulant de l’ouest noie en soirée le relief pyrénéen. Chance, au matin plus une seule goutte, les nuages sont partis remettre le bazar vers le sud. Le paysage, devenu pré-montagnard, s’enfonce dans le vert avec des prairies bien peignées, des bosquets, des enclos en granit et les vallées qui se dessinent avant de s’enfoncer dans la montagne. La montée du Portet-d’Aspet, qui dépasse juste les 1000 mètres d’altitude, a tout d’une grande. Au sein d’une hêtraie magnifique, l’eau déborde des ravines et s’étale dans les replis du sentier. Des bouquets de pensées cornues mouchettent la pente de fleurs violettes. L’ascension est longue, quelquefois pénible, mais libératrice. Elle confirme à chacun l’envie d’aller plus loin.

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Le lendemain, un silence gris s’est posé sur la vallée de la Bellongue. Elle descend vers  Castillon, le bourg le plus important de cette partie du Couserans. Le ciel ne diffuse qu’une pâle lumière. Vers midi, il se passe quelque chose, les nuages s’ouvrent. Deux milans noirs animent le ciel. Ils décrivent leurs orbes au-dessus des têtes. On est heureux de retrouver leur compagnie familière. Le duo prépare sans doute une attaque surprise. Prédateurs avérés, ces rapaces n’éprouvent pas le besoin de se nourrir au-delà du nécessaire. La patience les guide, ils peuvent chasser jusqu’après la tombée du jour. Aubaine pour eux, ce soir la lune sera gibbeuse.

Sous les ailes des milans

Le lieu ne s’inscrit pas sur le tracé des grands G.R. mais le détour en vaut la peine. Au-dessus d’Argein, le voile de la brume matinale s’est rapidement déchiré et la journée s’annonce complice. Située à mi-pente, la modeste prairie du Picou envahie par les hautes fougères offre au regard toute l’ampleur du Couserans. A défaut des sommets pyrénéens toujours invisibles, la vue embrasse le Castillonnais et l’aval du massif du Bethmale. La vision révèle l’intelligence du paysage et sa beauté des formes. Cinquante mètres plus bas, des vaches impavides continuent de brouter. Devant un décor aussi paisible, que faire de mieux que prendre le temps de rêvasser !

Sous les ailes des milans

Saint-Lizier est tombé en quelques siècles du statut d’évêché à celui du « village préféré des Français ». En position dominante, le Palais des Archevêques contemple avec nostalgie sa place centrale où l’ancienne cathédrale fait face à des arcades moyenâgeuses. Un chat traverse la rue des Nobles et quelques vacanciers partent à la recherche des nombreux jardins suspendus de cette vieille cité perchée. Un renouveau touristique et culturel vient de redonner sa juste valeur à cette perle ariégeoise que le temps avait injustement déclassée. Sa visite clôt le voyage. En toute chose, même la meilleure, il faut considérer la fin.

Sous les ailes des milans

Comme un rituel ordonné !  Au réveil de chaque étape s’entendait le bruit discret des pas des quatre femmes. Elles s’affairaient pour le départ. Bourrées de volonté, elles représentaient la majorité de l’équipe mais en furent la force motrice. Solides comme le roc, souples comme l’herbe vive, les journées de marche ne leur pesèrent pas plus que cela. Et quand il le fallut, elles portèrent sur leurs épaules le poids des décisions à prendre. Au fil des jours, elles régnaient sans partage.

La question se pose alors :  le randonneur ne serait-il pas qu’une randonneuse comme les autres ?

Sous les ailes des milans

Le Séjour

Mardi 27 juin, Transfert Paris –Montréjeau (31210)

Mercredi 28 juin, Montréjeau- Sauveterre-de-Comminges par St-Bertrand-de-Comminges

Jeudi 29 juin, Sauveterre-Juzet-d’Izaut  par le Col d’Ares et Cazaunous

Vendredi 30 juin, Juzet-d’Izaut – Le Portet-d’Aspet par Razecueuillé et le col

Samedi 1° juillet, Le Portet-d’Aspet – Argein par Galey et Buzan

Dimanche 2 juillet, Argein-Audressein par Sor, Salsein, le Picou et Castillon

Lundi 3 juillet, Audressein-Saint-Lizier (09190) par Arrout, Engomer et Moulis

Mardi 4 juillet, Transfert Saint-Lizier-Paris

 

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