201211 C'est tout droit !

Publié le par club rando

Les publicistes savent que rien n’est plus difficile que de créer le nom d’une marque ou d’un service. Il faut trouver celui qui fera mouche, celui que personne n’oubliera. Certains créatifs adoptent quelquefois l’usage d’un prénom ou d’un nom commun en jouant sur le code de l’émotion ou de l’empathie. Cette approche anthropomorphique a été celle suivie par les deux plus importantes régies de transport de voyageurs du département du Gard.  Tout d’abord, le Conseil Géneral, qui a en charge l’organisation du transport routier civil et scolaire, a décidé d’être conduit par le respectable "Edgard"

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Quant au Transport de l’Agglomération Nîmoise, il a ajouté à son acronyme la très suiviste et engageante préposition "go" pour devenir et s’appeler le réseau "Tango"

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En ce qui nous concerne, ces deux exploitants nous ont surtout aidés à réaliser les liaisons complémentaires de notre rando itinérante d’automne entre deux gares Tgv, Avignon le point de départ et Nîmes le point d’arrivée. Sous forme d’un Z renversé, notre véritable parcours pédestre reliait à la pointe de nos souliers le village de Sabran(30200) à celui de Saint Chaptes(30190)

Les meilleures du petit groupe

uzes 4 Nous étions venus, non pour apprécier l’efficacité (réelle) du service offert par ces transports multimodaux, mais bien pour découvrir les charmes du Sud, à moins de trois heures de Paris. Dans une région qui ne se sent plus languedocienne mais qui est trop tourmentée pour s’affirmer camarguaise. Elle s’est elle-même baptisée le "Gard Provencal", un espace géographique composé de petits pays entre plaines, vignes, garrigues et maquis.

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La légère brume qui stagnait dans la vallée de la Cèze, un peu en contrebas, s’est très vite évanouie. Un petit vent du nord a déjà fait le ménage pour tendre un ciel impeccablement propre et bleu. Sabran est encore engourdi ce matin et ignore que dix randonneurs traversent le village pour prendre la direction des vignes. Elles sont très sagement alignées et tirées au cordeau. La lumière rasante fait déjà briller le doré de leurs feuilles. D’autres, plus précoces, dévoilent les veines rouges de leurs nervures.

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Passé le village de Saint Marcel de Careiret où la vie s’est réfugiée au café central, commence le grand espace des collines. Leur végétation particulière regroupe des landes et des bois qui s’imbriquent les uns aux autres en touches aux limites floues. Un couvert forestier de pinèdes et chênaies s'enchaine à des zones clairsemées de broussailles et pelouses rases et sèches. A la pose, au hameau de Collongres, une volée de cyclistes nous salue d’un irrévérencieux "Allez, les papis !" On oublie vite l’affront pour attaquer la traversée d’un important massif karstique envahi en organisation fermée et extrêmement dense par les cistes, chênes kermès et arbousiers.

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Le sol calcaire est très perméable sauf en quelques endroits riches en argiles kaolinites rouges où l’humidité des pluies récentes est encore bien présente. Quelques chemins rectilignes traversent ces étendues dont la monotonie est parfois rompue par l’entaille géante de carrières de pierres ou de granulats. Sur le plateau sommital, les pins d’Alep et de Montpellier redonnent ombre et vigueur.

Nous entamons la descente vers une petite dépression où se dessine le village de Lussan, juché sur un étroit plateau calcaire. Protégé par des remparts et immobile comme une sentinelle, il surveille le sommet lointain du Ventoux qui apparaît au fond vers l’est. A ses pieds, un minuscule filet d’eau, l’Aguillon, semble encore se reposer des efforts accomplis pour traverser, deux kilomètres plus au nord, ce qui est maintenant une vallée close appelée "les Concluses". Une seule route monte au village et vers son château médiéval, transformé en mairie.

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Martine, couverte de bijoux et gérante d’auberge, y sera hôtesse accueillante et dévouée.

Rejoindre l’Uzèges par Vallerargues et Belvezet est un trajet loin de la rectitude. Souvent, et particulièrement sur les flancs nords, la garrigue cède la place à une belle végétation de feuillus. Ce phénomène est toujours dû à la décalcification des sols qui permet même l’existence de gros et solides châtaigniers, de pins noirs et de mélèzes. Ils sont la trace d’anciens reboisements qui changent radicalement l’ambiance. Une parcelle herbeuse est clôturée. Elle enferme de puissants taureaux camarguais. Nous n’irons pas leur disputer le pacage.

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La fraicheur de la forêt nous étonne. Mais nous ne sommes pas les seuls à vouloir en profiter. Une battue est en cours. Nous prenons de suite contact avec le premier fusil croisé pour connaitre l’étendue du territoire concerné. Les relations entre chasseurs autochtones et les promeneurs allogènes que nous sommes se doivent d’être courtoises. Une pincée de bon sens, une dose de communication et de tolérance, le tout saupoudré de respect mutuel et l’échappatoire est vite trouvé. Chance, il est encore plus beau que le trajet initial.

Après le Mas de l’Ancienne Eglise, nous rencontrons notre première "Capitelle" C’est une ancienne cabane de pierres édifiée par le petit peuple des campagnes gardoises. Sa forme tubulaire, son entrée sans fermeture, la rendit impropre aux besoins de la modernité. Dès le début du 19ème siècle, les populations l’abandonnent au profit des "Mazets".  Des petits cabanons, très simples, installés sur terrains plus ou moins libres, où les gardois "invitent amis et voisins pour leur faire partager tous les plaisirs qu’ils y trouvent eux-mêmes"

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La pente s’adoucit et rencontre la plaine. L’élégance verticale des cyprès domine des terrains rendus à l’agriculture. La terre est plus grasse et bonne pour des cultures comme les céréales, les arbres fruitiers et les oliveraies. Le début novembre est  justement le temps de la récolte. Un petit groupe s’affaire autour de quelques arbres. L’olive est bien noire, pas encore plissée.

Des femmes pratiquent comme autrefois en faisant courir le rameau sur le panier. Un homme plus vigoureux secoue, lui, les oliviers avec un peigne électrique en faisant tomber les fruits sur une large bâche posée au sol. Nous admirons l’expertise.

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Devant nous, la cité blanche d’Uzès domine le paysage. Au 17ème siècle, l’époque y  est florissante et la ville s’enrichit de belles demeures et d’hôtels particuliers. Racine, venu y étudier la théologie, succombe très vite aux charmes de ses habitantes "à l’accent passionné".

Après le déclin de la sériciculture cévenole au 19ème siècle, la cité s’étiole et doit attendre sa renaissance en 1965, date à laquelle Malraux classe son centre comme secteur à sauvegarder.

Uzès est maintenant une très jolie ville, fière de son remarquable patrimoine immobilier entièrement restauré que nous prenons le temps d’explorer.
 

uzes 12La  dernière étape est dévolue aux Gorges du Gardon. La rivière s’est battue pendant des millénaires pour se frayer un passage en dessinant un canyon sinueux. L’endroit se décrit comme "une symphonie de matière et de couleurs où le vert émeraude de l’eau et le vert jade et kaki des cistes et des yeuses jouent les contrastes avec le blanc grisé des falaises".
uzes 13Grâce aux nombreuses crues de la rivière qui ont détruit  beaucoup de passages le long des rives et grâce surtout à un arrêté de préservation du site, la nature a conservé tous ses droits.

A partir de Sanilhac, quelques pistes permettent d’approcher le canyon. Pour descendre vers les Moulins de la Baume, le passage est ferré pour faciliter la prise de mains. Le groupe est solidaire et chacun se soucie de son voisin.

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Il vaut mieux bien connaitre le terrain, car l’approche des belvédères y est difficile.

Les pistes les plus larges s’arrêtent d’un coup et sans raison apparente. Les cartes ne permettent pas vraiment d’apprécier le cheminement exact. Le GR qui traverse le secteur tourne le dos ostensiblement au canyon. Curieusement il se désintéresse de la beauté du lieu. C’est un petit peu par hasard qu’une de nos tentatives réussit à accrocher un des plus joli panorama. Sa recherche nous a pris beaucoup de temps.

 

Les bandes nuageuses venues du sud nous rappellent qu’elles ne se déplacent pas pour rien et libèrent vers treize heures une pluie brouillasseuse. Il ne faudra pas rater notre car Tango qui  partira à 17 heures de Saint Chaptes pour Nîmes. La fin de la marche s’exécute au pas de course. La lumière décroit très vite. Les chasseurs sont rentrés, la campagne est déserte et les quelques mas isolés ne sont gardés que par des chiens vigilants. L’horizon est bas et gris, et sans carte et sous la pluie, nous perdons nos repères. Seule présence humaine, un laboureur taciturne, qui descend juste de son tracteur. Nous lui demandons la bonne direction. Nous redoutons sa réponse. C’est bien celle qu’il nous donne. C’est tout droit !

C’est une phrase à géométrie variable parce qu’elle laisse dans la plus grande incertitude. Elle peut traduire au choix que l’itinéraire est encore long et qu’il ne faut pas dévier ou, au contraire, que l’on est presque arrivé et qu’il était donc inutile de s’inquiéter de sa destination. Mais annoncer que c’est tout droit, sans plus de détails, recèle aussi une demande de respect et de reconnaissance pour celui qui l’indique.

Apparemment débonnaire, l’affirmation traduit souvent aussi une pensée sous-jacente non exprimée et peu amène : Je n’ai pas tellement envie d’en dire plus ! Soyez plutôt content de m’avoir trouvé ! Vous pourriez au moins le reconnaitre !

Il ne nous reste plus qu’à remercier vivement et puis suivre la route….tout droit.

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Ps : Nous avons reçu un excellent accueil à chacune des trois étapes. En plus de la qualité de leurs prestations, nos hôtes nous ont rendu gracieusement des services imprévus. Nous tenons à les remercier chaleureusement.

La Pourstele à Sabran

La petite Auberge à Lussan

La Taverne à Uzès

Les étapes du Parcours

Le 7 nov : Sabran-St Marcel de Careiret-Collongres-Bois de Mercouire-Lussan

Le 8 nov : Lussan-Vallerargues-Belvezet-Mas de l’Ancienne Eglise- Uzès

Le 9 nov : Sanilhac-Site de la Baume-Pont St Nicolas-Vic-St Chaptes

L’équipe au complet

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J
Les randonneurs allogènes sont-ils ceux qui utilisent leur téléphone?
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