Le salut vient du mouvement

Publié le par club rando

Quand l’été décline, l’aube c’est encore un peu la nuit. Juste avant 8h00, à l’heure du camion-poubelle, des parents emmènent à l’école leur jeune progéniture pas encore bien adaptée à l’apprentissage des réveils matinaux. Une joggeuse sexagénaire tenant son chien en laisse attend de passer de l’autre bord du feu rouge. Femme et chien s’éloignent à belle vitesse dans l’ombre des platanes qui n’ont pas encore perdu leurs feuilles roussies. A chacun son trajet pour démarrer sa journée ordinaire de septembre.

Le salut vient du mouvement

Celui des 22 marcheurs, ce premier vendredi du mois, a pris le cap du retour à la nature. Certes il a fallu se lever un peu plus tôt pour rejoindre Parnes, un coin un peu perdu, à cheval entre les deux Vexin. Une région où l’on croise plus de chaussées romaines que de TGV mais où, dit-on, flamboie la fin de l’été. En venant de Paris, la D14 ne propose qu’une linéarité désespérante dans la plaine où depuis fort longtemps les champs ne sont plus clos. Mais à l’approche de Magny-en-Vexin, le plateau enfin se cabre. Avant d’atteindre Parnes, des petites routes n’en font qu’à leur tête pour s’échapper à tout prix de l’axe central et disparaître au premier pli. Les collines, jusqu’ici en apnée, reprennent du souffle. Mieux encore, comme la butte de Montjavoult qui s’aperçoit au loin, le relief ose même l’altitude.

le viilage de Parnes

le viilage de Parnes

Michel arbore une mine rayonnante et un sourire qui s’étire jusqu’au coin des yeux. Aujourd’hui, lui est confiée la tâche de guider la course. Au point de rendez-vous, il est presque surpris et secrètement heureux d’accueillir autant de participants. Pas la peine de s’embarrasser de préambule, la meilleure façon de présenter la balade sera de le suivre. Plus qu’un long descriptif, il va jouer sur son entrain communicatif. Chez lui, l’action précède le verbe.

Le salut vient du mouvement

A la sortie du village, les feuilles jonchent le sol avec presque un mois d’avance. Les arbres, cet été, ont eu soif et trop chaud. L’air frais leur a manqué. Ils font grise mine mais veulent rester optimistes. Ils prendront le temps qu’il faudra et commencent déjà en secret le long combat de la régénérescence. Ils reverdiront au printemps. On entre dans la forêt. Les troncs sont élancés, presque sans branches sur leur partie inférieure. Des taillis sous futaie lui succèdent. Au sol, les fougères aigles ont viré du vert au cramoisi, preuve supplémentaire d’un été bien sec.

Le salut vient du mouvement

Pour Françoise, tout chemin nouveau est bon à prendre à partir du moment où il lui permet d’échapper à l’oppression urbaine. Elle apprécie de retrouver l’asile des champs. De la troupe, elle se montre la plus attentive à débusquer la moindre surprise. Une petite prairie restée étonnamment verte, des corbeaux qui s’affairent à leur toilette, tous ces tableaux minuscules la contentent et ravivent son besoin de grand air. Elle n’est pas du genre à confier sa vitalité à la Caisse d’Epargne. Son aisance sur les chemins illustre une évidence : le salut vient du mouvement.

Le salut vient du mouvement

Entre deux zones boisées, les champs viennent d’être retournés et semblent attendre labours et ensemencements. Les chemins parcourus sont larges, la vue ample et la nature d’une alternance raisonnée de bois, de prairies et de cultures. L’équilibre du paysage procure l’impression d’un bien-être diffus. Ce matin, le calendrier est un peu en avance puisque la température a pris déjà les habits de l’automne. Vers midi, elle consent tout juste à retrouver sa normalité de saison. Mais le ciel joue largement la compensation en se montrant lumineux et fraternel.

Le salut vient du mouvement

Dans le Vexin, la vocation ancienne de grande culture a favorisé davantage l’habitat groupé. Parnes, Boury, Vaudancourt, les trois petits villages traversés s’inscrivent tous dans un fond de vallon. Ils apparaissent de taille modeste et présentent à leurs franges une zone tampon composée de jardins potagers, vergers ou pâtures qui fait barrière à l’appétit insatiable des cultures. En journée les êtres humains y sont rares. Les seuls rencontrés se promènent aux marges, traînés le plus souvent par leurs chiens. Depuis longtemps, services et commerces les ont abandonnés. Du passé endormi et méconnu de ces villages, il ne reste que la présence d’anciens châteaux ou manoirs. Leur actualité est beaucoup plus austère et effacée. Ils sont à la fois victimes d’abandon et havres de tranquillité. Peut-être n’attendent-ils que les pas des promeneurs pour se réveiller ?

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Un petit vent très doux commence à agiter les tiges de maïs qui servent de sanctuaire préservé à toute une faune microscopique. Elles abritent aussi des visiteurs de passage. Dans une rangée proche du chemin, deux tourterelles sauvages semblent faire du gringue à une troisième comparse. Au passage des marcheurs, ne souhaitant rien révéler de leur curieux manège, elles s’enfuient d’un vol rapide et apeuré.

Le salut vient du mouvement

Du haut de ses 207 mètres l’ancien "Mont Jovis" ou Mont de Jupiter qui deviendra Montjavoult s’est arrogé le titre de village le plus haut de l’Ile-de-France, titre usurpé puisque il est situé en réalité dans l’Oise. Un ancien site préhistorique, célébré par les druides du peuple des Véliocasses (de l’ancien "Vulcassinum" qui donnera aussi par déformation les mots "Vulguessin" puis Vexin). La butte de Montjavoult est la seule dont le sommet est occupé par un village, dominé par son église Saint-Martin restaurée au seizième siècle. L’édifice présente un très beau portail encadré de deux colonnes annelées. Le style Renaissance a inscrit ici l’un de ses plus beaux exemples. Mais l’intérêt pour l’Histoire change souvent de registre, le divertissement prend parfois le pas sur la culture. Le lieu est maintenant surtout reconnu parce qu’il a servi de décor a une scène culte du film "Rabbi Jacob".

photo du film Rabbi Jacob trouvée  sur internet

photo du film Rabbi Jacob trouvée sur internet

Certains visiteurs viennent photographier cette nouvelle réalité inventée sans même regarder le monument pour ce qu’il est. Mais c’est très beau, en ce début d’après-midi, de le voir se découper, éclaboussé d’une belle lumière. Comment, dans un tel cadre,  résister à ne pas faire de même ?  Malgré le reproche, la photo de groupe sera prise sur place.

Le salut vient du mouvement

Pour se justifier, avec une mauvaise foi affirmée, on se contentera de penser que ce qui est bon pour soi est mauvais pour les autres.

Le salut vient du mouvement

Le Parcours

Parnes (60240), les gibelins, Breuil, GR125, Boury–en-Vexin, Vaudancourt par le bois-jolivet, la croix rouge, le marais, Montjavoult, GR125,  le moulin-de-Chaudry, Parnes par le chemin de Chaudry 

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M
Dans la nature, la moindre chose à découvrir est un bonheur et un plaisir pour les yeux et tous les sens!
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