Mon copain le chêne, mon alter ego !

Publié le par club rando

Route du Buisson, Allée du Grand Veneur, sente du bois de la Haute Rive, le Chêne Rogneux, tous ces noms inscrits sur la carte IGN rappellent tout ce que doit le village de Grosrouve au massif forestier de Rambouillet. Mais avant de les emprunter, il faut d’abord suivre un écheveau de ruelles tortueuses qui ne cherchent qu’à se détacher du minuscule noyau central. De belles maisons s’y distinguent au fond des allées. Elles forment un conglomérat mal défini dont la pièce maîtresse, le jardin privatif, affirme sa solidarité avec la forêt si proche.

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Passé l’oratoire de la Vierge des Haizettes, l’asphalte de la route s’évanouit, la lisière des prés disparaît et les buissons se resserrent pour annoncer l’entrée imminente dans la forêt. De grands chemins rectilignes invitent à se perdre sous l’immense tente de feuillage. Quiconque qui ne dispose d’une carte aurait du mal à s’en extraire, à moins de cacher prudemment dans ses poches les cailloux du Petit Poucet.

Mon copain le chêne, mon alter ego !

Les premiers pas le confirment, la forêt a retrouvé un visage moins blafard. Si elle est encore loin de manifester toute sa vigueur, les chemins se sont au moins débarrassés de leur chape de poussière. Le baromètre enfin descendu, les premières précipitations sont arrivées en début de semaine. Depuis trois mois, se posait chaque jour l’angoissante interrogation : Pleuvra-t-il encore un jour ?  La terre ressemblait à un tapis râpé et dans les champs les tiges baissaient la tête sous la chape écrasante d’un soleil perpétuel. Temps bien agréable pour des balades garanties sans parapluie mais la persistance de cette sècheresse commençait à inquiéter. Certains étaient presque sur le point d’entamer des processions à l’ancienne pour que le ciel accorde sa miséricorde et répande les orages tant attendus. On ne sait si ces prières ont été efficaces mais on devine aisément que le déficit hydrique est loin d’être comblé.

Mon copain le chêne, mon alter ego !

Ce sujet inquiétant ne se singularise pas beaucoup de l’actualité où l’humeur des jours vire au morose. Elle n’évoque que faute collective, imaginaire apocalyptique ou, au mieux, perspectives déclinistes. Comment réagir à une telle tendance ? La réponse des 13 participants du jour a le mérite de la simplicité. Rien de mieux qu’une bonne marche pour continuer de poser un pied actif dans le monde !

Mon copain le chêne, mon alter ego !

Le sentier choisi s’enfile dans une somptueuse chênaie. La lumière crue du matin transperce la futaie pour illuminer les troncs lisses de beaux chênes centenaires. Comme des piliers de cathédrale, ils se lancent très haut vers une voûte de frondaisons touffues. On  ose à peine chuchoter en avançant respectueusement sous une telle solennité.

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Un petit écrin pas trop loin de Paris ! II y a quelques années, le patron du groupe Pinault- Printemps-la Redoute a acheté le château de la Mormaire et son domaine attenant de 150 hectares. Les marcheurs le devinent au fond du bois des Longues Mares. Mais c’est aussi de ce bois que partent les colonies de sangliers pour saccager régulièrement les champs alentour. Des hardes vigoureuses et belliqueuses que les chasseurs ont du mal à réduire. Ils ont fustigé l’Administration qui leur refuse des tirs de nuit, les plus efficaces, mais qui gêneraient la tranquillité du prestigieux voisin. Aujourd’hui, du moins lors du passage, querelle et coups de fusil se sont tus. Mais les traces laissées sur les chemins ainsi que de nombreuses trouées dans les barbelés attestent que les sangliers sont restés les gagnants de ce conflit local de basse intensité.

Mon copain le chêne, mon alter ego !

En prenant la direction du hameau des Aubris, la personnalité silencieuse de quelques pins indique qu’on se dirige vers un milieu de moins en moins habité. Sur le plateau sommital du bois des Fouilleux, le soleil plus réservé qu’en matinée colore l’atmosphère de teintes plus nordiques. En suivant une longue sente qui semble ne jamais finir, l’alignement serré des arbres barre l’horizon. Ce léger sentiment d’enfermement donne l’étrange impression de ne plus pouvoir sortir de la forêt.

Mon copain le chêne, mon alter ego !

Le centre de Grosrouvre se réduit à une simple butte où une église médiévale se resserre autour de son cimetière*. De ses atouts  le principal est peut-être celui de son nom qui sent bon la profondeur du passé. Il dérive des mots latins "grossum" et "robur" signifiant un "chêne robuste". Il apparaît dans l’histoire en 768 lorsque les carolingiens défrichent une partie d’un immense espace forestier nommé à cette époque "Iveline". Le toponyme a conservé le souvenir d’un chêne remarquable par sa taille et sa robustesse. Pour bien se rappeler cette origine, la municipalité décida de consacrer un conservatoire à l’arbre-emblème. Elle veut en faire un aménagement-témoignage pour les générations futures. Quarante-cinq chênes ont pris racine sur le site situé en haut d’un petit tertre. En plus de son hospitalité, ce conservatoire offre le meilleur des panoramas sur le village, son église et les vallonnements de la forêt

Mon copain le chêne, mon alter ego !

Les édiles municipaux ne se sont pas trompés dans ce choix de communication. Le chêne est l’essence qui cristallise le mieux l’attachement de l’homme au domaine du végétal. Il incarne le lien entre le monde des divinités et le monde des humains. Dans la littérature, c’est l’arbre qui reçoit le plus d’hommage. Brassens le ressent comme le reflet de lui-même lorsqu’il confesse dans la chanson "Auprès de mon Arbre" : mon copain le chêne, mon alter ego !

https://www.youtube.com/watch?v=i8zNbCJnQes

Quelquefois, le cours d’une marche s’interrompt pour une halte qui associe un lieu au rappel d’un fait culturel ou d’une histoire. Dans la petite prairie qui dévale de l’église de Grosrouvre, André a proposé cette petite pause respiratoire. Il a choisi d’évoquer la vie d’un presque homonyme**, celle de François de Grossouvre. Cet aristocrate à la vie romanesque lia son destin à celui de François Mitterrand. Il lui consacra une dévotion absolue, partageant son intimité et protégeant ses secrets. Si son éviction le détacha du Président, son suicide en 1994, au cœur même de l’Élysée, le rattacha à jamais à la légende mitterrandienne.

photo de Diego Goldberg

photo de Diego Goldberg

Dans l’art du conte, il y a des personnes qui savent ouvrir les portes. André est de celles-là.  Quand il s’empare d’un sujet, il fait plus que raconter. Il sort ses personnages du cadre, les ramène au présent, les met en connivence avec le public. Allongés sur la pelouse, sous les rayons d’un soleil complaisant, on se laisse vite prendre par l’histoire. Agréable petit plaisir, glané en fraude sur le temps de la randonnée. Outre le talent du conteur, l’horizontalité y est  elle aussi pour quelque chose ?

Mon copain le chêne, mon alter ego !

*Le comédien Jean Rochefort l’a choisi comme dernière demeure

**Selon certaines sources, Grosrouvre et Grossouvre pourraient avoir là même étymologie

 

Grosrouve (78490), chemin des ruelles, route du Buisson, Maison-Rouge, chemin des Haizettes, poteau du Roi, route de l’Etang-de-Vitry, route du Grand-Veneur, route de la Masse, Eglise, les Aubris, allée du Bois des Fouilleux, la Troche, chemin des trous, chemin du chêne collé, le conservatoire, chemin des ruelles.

Le parcours

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M
La rando c'est aussi, le long des chemins, un peu d'histoire, qui peut aussi parfois nous rajeunir. <br /> Merci et bravo à André qui a su le faire avec son ''piment'' habituel.<br /> Avec toute mon amitié à lui.<br /> Michel
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