201105 La tentation d'Aronville

C'est sans coquetterie affectée ni fausse modestie que Jacques s'est évertué à répondre aux compliments qui lui étaient adressés à l'issue de sa conduite de la randonnée du 6 mai, dans la vallée du cours supérieur du Sausseron près d'Arronville (95810)

Il sait bien que le véritable instigateur de ce beau circuit n'est autre qu'un extrait de ce patrimoine graphique, privilège unique de la France, et qui s'appelle la carte IGN.

Pas besoin de reconnaissance préalable puisque le seul usage de ce type de carte permet de prendre conscience des itinéraires possibles, des paysages à aborder, tout en maîtrisant le choix de la distance et des dénivelés que l'on veut s'accorder.

Mais la carte est surtout tentatrice puisqu'elle invite et incite à ne pas se réduire à ses premières envies. Après l'avoir étudiée, il faut beaucoup de grandeur d'âme à l'animateur pour renoncer à s'aventurer vers d'autres chemins, vers d'autres horizons, pour proposer toujours davantage.Soyons humbles cependant. Le circuit de vingt kilomètres, qui longeait d'abord le marais de Rabuais près d'Arronville, traversait à saute-mouton les côteaux pour rejoindre Hédouville, puis repiquait plein nord pour revenir par le Gr11, a calmé les ardeurs les plus intrépides.

La fraîcheur du matin cachait en fait une température estivale qui ne tardât pas à lui succéder. Les champs de blé dur et de féveroles ne sont pas aussi hauts qu'ils le devraient car une sécheresse inhabituelle a stoppé leur croissance. C'est une désolation car ce manque d'eau produira chute des rendements et des revenus.

 

Avant que le soleil ne darde, s'effectue le passage devant  la curieuse ferme du "petit château " qui garde le domaine de Balencourt, ancienne demeure du roi

Léopold II de Belgique. C'est un vaste espace fermé, dont l'entrée se fait par une porte surmontée d'un toit d'ardoise unissant deux bâtiments, et remarquable à double titre :

D'abord parce qu'il abrite un pigeonnier octogonal particulièrement bien conservé,

 

ensuite parce que sa façade ouest porte encore les traces d'activités rurales, pas si lointaines, mais de nos jours complètement disparues

 

 Une apparition, dans le bois de Ménouville, réjouit certains marcheurs. Deux amazones croisent notre route et surprennent par la dextérité de leur monte et la grâce de leur allure. Les récits légendaires qui les enveloppent suscitent un jeu entre réalité et imaginaire et laissent dupes certains d'entre nous, toujours prêts à magnifier les symboles.

La traversée de petits hameaux isolés procure toujours un sentiment  de regret et d'insatisfaction. Malgré la quiétude de notre pas, on a quand même l'impression de les traverser en aveugle, sans rien voir ni rien apprendre. Pour quelles raisons leurs occupants ont-ils choisi ces lieux ? Leur vie y est elle douce et privilégiée ou au contraire résignée par l'isolement et la langueur ? Nous ne le saurons jamais puisque nous sommes malgré nous des marcheurs pressés, conditionnés par la vocation finale de chaque randonnée qui est d'en atteindre le terme.

 Nous retiendrons aussi de cette balade deux images sereines: 

1) Si nos villes sont devenues les manifestations les plus évidentes de l'agressivité qui transforme tout conducteur dès qu'il tient en mains un volant, il existe encore des coeurs purs, en campagne, qui voient en l'automobiliste en détresse un frère humain à secourir. Honneur soit rendu à l'employé municipal, qui avec beaucoup de gentillesse et  de technicité, a su remettre l'un d'entre nous sur le droit chemin.

 2) Nombre de petits cimetières réservent parfois aux visiteurs des surprises puisque certains hommes célèbres ressortent tout à coup de l'anonymat dont le temps les a plongés. Lors de passages furtifs de non familiers, ils permettent  ainsi de nouvelles résurrections. C'est le cas du cimetière d'Arronville, dont une des tombes les plus humbles est celle d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie, un des plus grands noms de la Résistance. Son destin particulier  transforma cet aristocrate dandy mondain en combattant progressiste, habité par une recherche permanente de liberté et qui ne se reconnaissait, ni comme homme politique, ni comme idéologue.