201403 Parmain et par vaux
Hubert, dès son arrivée au point de rendez-vous, ne peut s’empêcher de livrer les pensées qui trottèrent dans sa tête pendant le trajet en voiture. Il rappelle qu’après demain, dimanche 30 mars, sera jour d’élection. Les rues de sa ville seront égayées par une foule plus nombreuse que les jours de marchés. Il sait surtout que les dames seront encore plus élégantes et qu’il aura peut-être la chance de s’enivrer de leur parfum si elles le précèdent dans la queue civique qui les conduira, enveloppe couleur bleu gitane à la main, vers l’urne électorale.
Mais pour l’heure, avec ses vingt petits camarades, il est venu goûter aux joies d’une journée de randonnée, dans ce coin qu’il connait mal, le bois de la Tour du Lay, qui s’étend entre les communes de Parmain et de Champagne-sur-Oise(95). Comme tous les autres, il n’attend de la marche du jour qu’une chose. Que Par monts et par vaux, elle réintroduise dans son corps et son souffle l’harmonie détruite par l’affolement de la vie citadine. Ou plutôt, conviendrait- il de dire dans le contexte local et par un jeu de mots facile, que cette balade l’emmène Parmain et par vaux.
Michel a préparé la journée et sélectionné le parcours. Son allure juvénile, son humeur agréable et enjouée ne le prive pas de discernement. Il a repéré quelques lacunes chez les marcheurs, qui ont tendance à s’égayer, nez au vent. Aussi, les fondamentaux seront aujourd’hui de retour. On marchera avec carte et boussole, au départ sur deux parcours distincts.
La "bussola", petite boîte en italien, instrument qui permet de s’orienter, est passée de la Chine à l’Europe par l’intermédiaire des marchands vénitiens. Son mode d’emploi est simple. Il suffit de poser la boussole sur la carte pour relever l’angle de marche, appelé aussi "azimut", en alignant la ligne qui relie dans le cadran gradué les inscriptions Nord et Sud au bord vertical de la carte IGN. La valeur trouvée est disposée ensuite sur la ligne de visée de la boussole, tandis que la petite flèche rouge aimantée qui indique le nord se positionne dans son logement. Il ne reste plus qu’à suivre le sens de la direction indiquée.
Les femmes pensent être dépourvues du fameux sens de l’orientation. Elles se trompent. Les hommes, qui ont beau évoquer dans leurs gènes les réminiscences du chasseur préhistorique qui ne doit sa survie qu’à son accoutumance au milieu, sont totalement imprécis lorsqu’ils doivent se situer. Les femmes, elles, compensent l’inné dont on les pense dépourvues par de brillantes capacités pour l’acquis. Les randonneuses, dans chacun des deux groupes, vont en faire la convaincante démonstration.
Leur attention, leur persistance à comprendre, l’enthousiasme qu’elles mettent à apprendre, les sélectionnent vite dans cet exercice. Elles suivent le parcours sans commettre la moindre erreur directionnelle. Les hommes vexés, suivent leurs pas, puis se réfugient dans des bavardages stériles tout en épiant insidieusement des fautes qui n’arrivent jamais.
Une nouvelle fois, l’anticyclone s’est installé dans la région pour nous offrir un beau temps ensoleillé. Les grandes cultures sont déjà bien parties malgré que les excès d’eau des mois antérieurs aient lessivé les sols. Sur le plateau de Nesles, précoces, les fleurs de colza apprécient avec gourmandise cette journée ensoleillée qui le transformera plus tard en un tapis bouton d’or. Le bois de la Tour du Lay qui les coiffe est coupé par d’étroites vallées où poussent sur le coteau des prairies calcicoles d’un vert très tendre en cette période.
Après le repas tiré des sacs, le parcours suit les riantes rives de l’Oise. Les cantonniers, comme le printemps, sont de retour. Ils s’acharnent sur les bordures des chemins. Ils surfent entre chaussée et talus et, sur les surfaces gazonnées, enfilent des lignes en soulevant des nuages verts de brins éparpillés. Derrière les grilles d’un jardin, fortifiées par une haie de lauriers, un petit chien répond au toussotement de la tondeuse par des aboiements furieux.
De Parmain à Champagne, des sentes piétonnières ont rétabli le cheminement au bord de l‘Oise. Des berges naturelles succèdent vite aux berges pavillonnaires. La vision de la rivière reste toujours perceptible. Le coin est tellement ravissant qu’il mérite l’enthousiasme collectif.
Du bord de l’eau on aperçoit le clocher de l’église Notre Dame de l’Assomption. Il n’est plus le seul à s’élever dans le ciel. Un peu en amont un immense épicéa de près de trente mètres lui fait face. Il ne s’agit pas d’une espèce faite de sève et de tronc mais d’un arbre artificiel qui cache des antennes dans une ramure simulée. Les professionnels de la téléphonie assurent que cette insertion paysagère évite une agression visuelle ! Mais un pylône en béton camouflé en sapin, n’est-ce pas trahir par une illusion grossière la véracité du paysage ?
Encore un qui s’est mis à la marche ! Jérôme Kerviel est l’objet du dernier débat suscité par les participants. Le trader, soudainement touché par la grâce d’une entrevue pontificale, a trouvé son chemin de Damas. Avec un sac sur le dos, il a décidé de relier Rome à Paris à pied, sans carte "privilège"ou même le moindre chéquier en poche. Il marche pour se reconstruire.
Francis sourit du coin des lèvres. Il a déjà écrit sur ce blog un article qui exprime que les finalités de la marche sont multiples et diverses. Ce rendez-vous avec la nature peut être aussi un acte de dévotion ou constituer une sorte d’expiation, une expression de remerciements.
Mais pour tous il y a unanimité. Quelle soit exercice ou rédemption, la marche doit se pratiquer le plus longtemps possible et bien sûr Par monts et par vaux !
Le Parcours
Champagne sur Oise, chemin d'exploitation 11, chemin de bouillonval, les vallées, le pétrin, Montrognon, Boulonville, camping du val de nesles, Parmain par la croix des friches, le chemin de halage sur l'Oise, Champagne sur Oise