201404 Fidèle, elle est restée fidèle

Publié le par club rando

La corbeille de croissants tout juste sortis du four trône au milieu de la table du petit déjeuner. Gérard  et Pascal apprécient ce moment où, devançant leurs épouses encore affairées, ils savourent tranquillement ce plaisir sans l’once d’une mauvaise conscience. L’hôtelier, aux petits soins, prend commande des boissons à venir. Un café bien noir pour le premier. "Pareillement" renchérit son compère, mais précise-t-il, "avec un nuage de lait"! Les volutes lactées dispersées à la surface de la tasse sont censées atténuer l’amertume du café. La pâte presque tiède et grasse de la gourmandise qu’ils dégustent sera leur complicité de l’aube. Par la fenêtre, la ligne rosée du levant commence à supplanter le gris bleuté de l'amorce du jour.  Ils comprennent que le soleil viendra plus tard imposer sa force tranquille. La journée peut débuter, le meilleur est déjà là.

conches 1Les randonneurs ont pris leurs quartiers depuis hier, jeudi 10 avril, dans ce charmant établissement au cœur de Conches (27), petite ville médiévale du Pays d’Ouche, aux premières marches de la Normandie. Aujourd’hui ils ne seront plus que vingt-deux puisque Jacqueline au retour de la première balade s’est tordue bêtement la cheville dans sa chambre. Elle a dû reprendre la route de Vernon. Sa douceur et son sourire vont manquer à l’appel.

conches 2 Les marcheurs ont appris que le nom de la ville est souvent confondu avec celui de Conques, étape pèlerine du Rouergue. Ceux qui commettent la confusion n’ont pas tout à fait tort. Les seigneurs de Tosny en 1035  bâtirent en ce lieu une abbaye pour abriter les reliques de Sainte Foy ramenées de Conques, toponyme transformé par le temps et les idiomes locaux en Conches. Son église, remaniée au 16° siècle, s’est enrichie d’une parure de vitraux, parmi les plus harmonieux de la Renaissance. Michaël-Jane s’est laissée surprendre par l’exubérance des motifs, la vérité des personnages et la couleur qui les habitent. Elle est stupéfiée par l’habileté des maîtres verriers qui maniaient l’art de peindre avec la lumière.

L’exercice du premier jour proposait la traversée de la vallée du Rouloir. Ce n’est pas un large vallon mais plutôt un chemin d’eau. La rivière, née d’une résurgence en amont des étangs de Conches, serpente au-dessous de la falaise dominée par le donjon médiéval. Le chemin qui suit ses rives est éblouissant car sa flore participe à l’éveil du printemps.

conches 3L’anxiété mine Martine qui s’est vu confier la conduite du groupe. Perplexe, hésitante, elle s’enhardit très vite au fur et à mesure qu’elle domine son sujet et qu’elle transpose les symboles de la carte en réalités du terrain. Elle se révèle aux autres autant qu’à elle-même.

Après quelques méandres, le Rouloir se perd dans un plus grand espace planté de blé. Nous ne le suivrons pas, préférant remonter sur l’autre versant qui,  par l’église de Saint Elier, conduit ensuite au belvédère des Prés Bourbeux dans la forêt domaniale de Conches. Edifice fait pour voir, nous le choisissons comme le témoignage visible de notre venue. Nous y immortalisons la traditionnelle photo de groupe.

conches 4On sait qu’en Normandie une journée de grand beau temps démarre d’abord sous un tulle de brume. C’est le cas en ce vendredi matin. Excellent présage, ce voile est donc bienvenu. Nos pas nous mènent au cœur du Pays d’Ouche, la balade d’une vingtaine de kilomètres démarrant du village du Fidelaire(27).

C’est dans les vallées, comme celle de la Risle, que se définit le paysage normand. Elles entaillent les plateaux en courbes sinueuses, se rétrécissent dans les coudes pour s’élargir dans des terres généreuses où poussent champs de blé et colza qui masquent quelquefois les pâtures des chevaux.

conches 5L’écrivain Philippe Delerm affirme que la Risle n’est jamais pressée. Elle est tellement lente qu’il lui est même arrivé un jour de disparaître du côté de la Ferrière. Comme beaucoup d’autres c’est le parfait village normand, témoignant une ruralité rassurante qu’on cherche à conserver. Son église enferme le trésor d’un merveilleux retable baroque qu’on n’imagine pas en ce lieu. Gardés  par Saint Georges et Saint Blaise, dragons et agneaux y sont sous bonne escorte. L’activité du bourg se concentrait au 18° siècle autour de ses forges puis plus tard vers des tanneries et des carderies.

Les plus jolies maisons normandes, comme celles de Champignolles, ont souvent la sagesse de s’adosser à un coteau qui domine la rivière ou un plan d’eau. Elles s’entourent d’un espace nécessaire pour que puissent s’ébattre chiens, ânes ou moutons. Avec ou sans colombages, elles offrent de belles façades patinées par le temps ou le vent d’ouest.

conches 6Randonner dans ces territoires, c’est avoir l’impression d’habiter la forêt. Forêt de Conches ou forêt de Beaumont, bien que morcelée, elle est toujours présente et semble continue et sans limites. Les sentiers des sous-bois qui bordent les champs sont toujours saisissants. On s’y sent protégés par un abri intérieur qui permet cependant toutes les escapades vers les horizons lointains. Le moindre petit souffle de vent ondule des vagues d’herbes dans une houle qui se transmet jusqu’aux champs ensemencés. Notre large route du retour s’arrête brusquement au hameau de la Bucaille comme si elle estimait en avoir assez fait. Un petit chemin herbeux la remplace et nous ramène à bon port.

conches 7Jean-Paul a tenu à nous conduire et accompagner pendant ces deux jours. Membre de l’association, il a quitté à la retraite la cohue parisienne pour s’installer dans ce beau village du Fidelaire. Avec son épouse Joëlle, tous deux ont fait corps avec ce coin d’adoption qui est le leur maintenant. Ils l’ont approprié et se sont dotés d’une "normanité"d’attitude et de pensée. L’accueil dans le jardin de leur jolie maison retranscrit la sérénité généreuse et le plaisir de renouer des amitiés complices.

conches 9Sur la gouttière du toit de la longère attenante, Chantale a repéré une petite espionne attentive. Les premières hirondelles ont retrouvé le ciel de Normandie. L’irrésistible besoin de se reproduire a gagné ces migratrices ailées et les force à abandonner les tropiques pour nicher dans nos contrées. Notre hôtesse pense que ce sont les petites écloses précédemment sous ce toit qui y reviennent, gardant ainsi une éternelle fidélité à leur lieu de naissance. Etonnante fidélité au Fidelaire !

conches 8Christian connaît la passion que porte son épouse à tous ces hirondelles et passereaux. Il a aussi des lettres. Taquin, il lui chantonne alors à l’oreille ces quelques strophes d’une comptine enfantine :

Qu’a telle donc fait la fidèle hirondelle

Elle nous a volé trois sacs de blé

Nous l’attraperons la petite hirondelle

Et lui donnerons trois petits coups de bâton

conches 10

 

  Ps:  l'hébergement de ce séjour a été assuré par l'Hôtel de Normandie de Conches à l'accueil remarquable

Les Parcours

Jeudi 10 avril  : Donjon de Conches, Gr222 par la vallée du Rouloir, la basse croisille, la haute Croisille, Eglise de St Elier, vallée de l'aunay, Goupigny, l'observatoire du pré-bourbeux, Conches

Vendredi 11 avril : le Fidelaire, les asniers, le reposoir, D140 par la forêt, le GR pays d'ouche, la Ferriere en R., Ajou, GR224, champignolles, la hungerie, le maupas, la baliviere, la bucaille,le Fidelaire

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G
Mon épouse et moi même trouvons que tu écris très bien.<br /> Je pense que tu devrais te lancer dans l'écriture d'un roman ou nouvelle ou la description des paysages et de la ruralité serait omniprésent. Tu as la plume d'un Guy de Maupassant ou d'un Jean<br /> Giono! A bientôt,et dans l'attente<br /> de te lire prochainement.
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